Joseph Landron, plus communément appelé Jo, fait partie des fers de lance de l’appellation Muscadet. Une appellation injustement trop méconnue. Pire, sous-estimée. Ayant visité cet été le domaine Luneau Papin chez qui je m’étais enthousiasmé et qui réclamera une prochaine visite, je fus déjà conquis. Ce n’est déjà pas pour rien que j’ ai consacré quelques pages de ce vignoble sur mon livre ‘VINS-Leçons de dégustation’. Muscadet, voilà un vignoble qui mérite un éclairage tout particulier. Commençons par les domaines Landron.
Domaine Landron (site internet)
02 40 54 83 27 (pour les particuliers)
Les Brandières BP 21
44 690 La Haye Fouassière
Il est nécessaire de comprendre que le domaine a débuté il y a déjà fort longtemps avec le grand père et le grand oncle de Jo. A cette époque, il était important de produire du vin, en quantité, et si possible sans prendre le moindre risque. La surproduction étant aussi bien une réalité qu’une nécessité. La famille Landron a souvent été à la pointe des avancées, désireuse de s’ouvrir au progrès. A tel point, que grand-père Landron décidait de mécaniser au maximum. Tracteurs, et produits chimiques, alors révolutionnaires apportaient une avancée réelle. Ne jugeons pas des comportements que nous-mêmes aurions peut-être pu accepter à leur place, à cette période.
LA BIO LUI TROTTE DEJA DANS LA TETE
Jo Landron rejoint le domaine en 1979, et dès le départ a un rêve. Il le vit secrètement tout d’abord, afin d’éviter de bousculer trop rapidement les habitudes trop conventionnelles de la conduite des vignes d’alors. Travailler l’ensemble de la production dans une culture plus respectueuse de l’environnement. Tel un retour aux sources, Jo Landron se sent pousser des ailes, et commence déjà à se renseigner, à apprendre, et surtout à observer ses futures vignes, en culture biologique.
J'ai toujours eu envie de travailler ma vigne dans l'idée du bio. Mon père ne voulait pas en entendre parler, davantage par défiance que par rejet. Tôt ou tard, petit à petit, cette idée a germé et a pu naitre…
Lorsque j’arrive, sourire aux lèvres, moustache fournie mais frétillante m’accueillent avec mon papa. Ce que j’aime bien avec mon papa, c’est qu’il ne s’y connait pas bien mais reste curieux. Sincère, il sait poser les questions que moi-même n’ose pas toujours poser. De plus, je crois qu’il permet de mettre plus à l’aise le vigneron. Papa est également un baromètre. Quand il me dit en partant qu’il a adoré le moment vécu, et les vins, je ne peux qu’être encore davantage conquis par la rencontre.
Je déguste depuis bien des années l’ensemble des cuvées des domaines Landron. Jamais eu la moindre déception, même à l’aveugle lorsque Jean-Philippe me proposait de vieux millésimes. Il y a toujours du gras, du fond et de l’énergie dans les vins de Jo. Une nouvelle dégustation au salon de mon ami Fabrice, VinsurVin fait salon, et le rendez-vous fut pris, chez Jo.
Le vignoble entoure la Sèvre Nantaise, fleuve local nourricier
UNE PROPRIETE DE 45 HECTARES
48 hectares de vignes, ce n’est pas rien pour un domaine aussi pointilleux que celui de Jo Landron. Le problème m’avoue-il, est de constater qu’il y a une vingtaine d’années, 80 vignerons avient leurs vignes. Ils ne sont plus que 20 à peine désormais. Le renouvellement ne se fait plus, et plutôt que de voir disparaitre des parcelles de vignes, Jo a du mal à refuser de les récupérer. Bon an mal an, très vite, il se retrouve à la tête d’un domaine devenu important. ‘Je vais devoir réfléchir et surtout, me résigner à lâcher quelques terres de vignes, afin de préserver la qualité et l’exigence qu’elles peuvent réclamer’.
Récupérer des vignes, les remettre en bon état, donc les régénérer, réclame beaucoup de patience, et de temps. Jo ne ménage pas sa peine.
La vigne traduit la minéralité des sols, mais cette signature dépend du travail et des soins qu'on apporte aux sols
Vignes parfaitement entretenues chez Jo Landron, Muscadet
UN PATCHWORK DE TERROIRS
Petit tour des vignes et notamment de trois secteurs assez distincts. Tout près de sa propriété, voici la parcelle donnant la cuvée la plus emblématique de Jo, ‘Amphibolite’. Cette cuvée doit son nom à cette pierre metamorphique, issue de roches vertes en dégradation. Vignes agées de 25 à 40 ans, donnant naissance à un rendement d’environ 45 hl/ha. Densité de plantation d’environ 6 700 pieds / ha. Le sol est argilo-sableux reposant donc sur des amphibolites, gneiss et quartz.
Un peu plus loin, direction la parcelles ‘les Houx’, (ex cuvée Hermine d’Or). Située sur un plateau de 65 mètres d’altitude, au sol peu profond, argilo-sableux, à dominante par endroits argileuse. Très siliceux, on y trouve aussi des grès, et du quartz. ‘Un cauchemar à travailler si on est impatient. Mais une fois le travail terminé, quel bonheur de constater le résultat. Cette parcelle donne naissance à des vins de bonne garde, traduisant à merveille la complexité du terroir’. Jo Landron aime malgré les difficultés travailler cette parcelle.
L'amphibolite, pierre métamorphique se trouvant dans les sols de la parcelle dédiée à cette cuvée, meblématique de Jo Landron
Autre parcelle, qu’il choye tout particulièrement, le ‘Fief du Breil’. 6 hectares pour sa part. Ils sont sur ce magnifique coteau exposé plein sud, trois vignerons. Une pente de 10% adossée à la Sèvre nantaise, bénéficiant d’un sol pauvre érodé et peu profond. Argilo-sicilieux, très caillouteux, avec présence de quartz sur roches d’orthogneiss (métamorphe du granit). Climat plus ensoleillé, microclimat chaud, vignes de 40 ans. Aucune vigne agée de moins de 15 ans n’a le droit de rentrer dans la composition de la cuvée du même nom. 7 000 pieds à l’hectare de densité, taille courte, cultivée en bio et biodynamie. Quans je vous écris qu’il la choye cette parcelle…
Sans oublier ‘La Louvetrie’, cuvée qui connait deux mises en bouteilles (printemps puis Septembre) , et une vinification sur lies. Les vignes ont entre 15 et 30 ans pour un rendement proche des 50 hl/ha. Plateau situé au sommet du vignoble, et profitant d’une intéressante variété de sols. Argilo-sableux sur amphibolites, gneiss et quartz.
Le Clos la Carizière, voilà une parcelle assez épatante, de vignes plantées entre 1944 et 1975, sur une densité de 7000 pieds à l’hectare. Cette parcelle fut en bio dès 2000, les sols sont totalement labourés sur 4 hectares. Clos entouré d’un mur de pierre extrait du sol, notons-le. Ici repose un sol peu profond sur orthogneiss, une roche dure. Rendement plus faible d’environ 38 hl/ha, soulignons au passage que sur le millésime 2008 le rendement fut tombé à 15 hl/ha. On trouve environ 10 grappes sur le pied de vigne, vendanges se déroulant mi-Septembre, bien souvent. Elevage sur lies de 8 à 12 mois
La conversion bio débute dès 1999, mais à partir de 1987, quand j'ai constaté que mes vignes ont failli mourir empoisonnées par les herbicides, j'ai stoppé net ceux-ci, et décidé de passer aux labours dès cette année-là. Je voulais qu'elles reprennent vie.
Vidéo avec Jo Landron, dans ses vignes du Fief du Breilh
Si la culture bio commence par la concersion en 1999, Jo Landron n’a pas attendu aussi longtemps afin d’entreprendre d’opérer le changement radical. Mais cela s’est fait en douceur, car il n’est pas facile de changer des décennies d’habitudes à son père quand on est son fils. Pas de révolution, mais quelques évolutions. « J’ai toujours eu envie de travailler dans l’idée du bio, mais mon père ne le voulait pas. » m’ avoue Jo.
Les labours débutent donc en 1987, les herbicides sont abandonnés rapidement.Pour Jo Landron, il ne fait aucun doute que le fait de travailler ses sols d’en faire plus dans ses vignes, simplifie grandement le travail dans le chai.
Notre vigneron souhaite offrir plus de sens à son métier de vigneron, et cela passe par davantage d’observation, d’écoute et de réflexions autour de son travail. Afin de pouvoir mieux s’adapter. Par exemple, il décide en 2014 d’éviter les débourbages, encore uen fois cela dépendant du millésime.
DEGUSTATION
In situ, en présence de Jo Landron, fin Décembre 2014
Amphibolite nature 2013
Mise du 24/07/2014
Nez poudré, caillou, puis agrumes. Bouche charnue au milieu relayant des tonalités citronnées dont profite à merveille la finale, saline et enlevée. Un vin direct, franc du collier, qui sait où il veut nous emmener.
****(*)
La Louvetrie 2013 – Domaine
Nez minéral, poudré, puis sur le fruit blanc, les agrumes. Fine touche d’alcool à l’ouverture. Bouche riche, bien droite pourtant, agrumes en son milieu. Finale minérale révélant une jolie acidité citronnée, apportant à l’ensemble une sensation tonique, franche. Allie la rondeur à l’étirement, joli joli !
****
Les Houx 2013 (mise effectuée 5 jours avant)
Nez complexe, entre anis et fruits frais, agrumes, pointe fumée (silex) en fond de nez. Bouche dans le sillage, complexe même si elle profite d’une belle suavité. Le fruit prend place en milieu de bouche, néanmoins la finale se tend, aérienne et énergique. Persistance citronnée, puis pistache, profitant de très beaux amers.
****(*)
Le Fief du Breil 2012
2 ans sur lies, malo réalisée.
Nez plus flatteur à ce stade, fumé puis citron vert, rhubarbe. Bouche pleine, un poil laiteuse, au milieu nettement porté sur le fruit jaune. La finale traduit à merveille les impressions ressenties au nez et à la bouche, hésitant entre la fraîcheur des agrumes et la douceur finement acidulée de la rhubarbe. Pistache en persistance, ensemble étonnant soufflant le chaud et le froid. Un style.
****
Le Fief du Breil 2011
Nez racinaire, un peu végétal, puis poudré. Bouche droite, franche, finale un peu heurtée sur ce millésime compliqué.
NN
Clos la Carizière 2013
Mise du 6 Mai 2014
Nez mentholé, puis fruits jaunes, fond de nez grillé, fumé. Bouche grasse au milieu nettement fruité. La finale, fumée oscille entre vivacité et gourmandise, persistance relayant un fruité jaune du plus bel effet.
****
Haute Tradition 2011
Vieilles vignes, élevage tronconnique de 1500 Litres.
Nez plus racinaire, végétal à ce stade, révélant un millésime compliqué. Fond de nez sur le fruit frais. Bouche plus grasse que laisse suggérer le nez, pleine au milieu gourmand, fruité. Elevage net, belle pureté en finale pour un ensemble assez harmonieux, pas du tout heurté. Pistache et beaux amers en persistance.
Les vieilles vignes semblent avoir mieux supportées les aléas climatiques du millésime.
****
CONCLUSION
En guise de conclusion, je vais juste vous dévoiler ce que mon papa m'a avoué en sortant de chez Jo Landron après notre visite: 'Je crois Manu que c'est le plus beau moment passé avec un vigneron. On en a fait quelques-uns et vraiment ce fut incroyable!'
Je pense que cette phrase résume tout. Un personnage généreux, passionné, et pointu. Des vins emplis de caractère, présentant de belles définitions et toujours généreux dans leurs expressions, tant aromatiques que gustatives. N'hésitez surtout pas à laisser ses vins évoluer de longues années en cave, même si il est toujours compliqué de ne pas se laisser tenter à les ouvrir avant…
NANTES, ET SON VIGNOBLE – Emmanuel Delmas, Sommelier & Consultant en vins, Paris
Depuis quelques années, je passe régulièrement à Nantes. Ainsi, j’ai l’occasion de tourner un petit peu dans le vignoble de Muscadet. Sous-estimé, injustement pointé du doigt, snobé, ce vign…
DOMAINE LA PAONNERIE, ANCENIS – Emmanuel Delmas, Sommelier & Consultant en vins, Paris
Quelques jours dans la région furent l’occasion de rendre visite à ce petit domaine encore méconnu, situé entre les Côteaux d’Ancenis et l’appellation Anjou. Ayant dégusté plusieurs fois leu…
https://www.sommelier-vins.com/2011/05/domaine-la-paonnerie-ancenis
AU SERVICE DU VIN NO 5, LE SOMMAIRE – Emmanuel Delmas, Sommelier & Consultant en vins, Paris
Le numéro 5 de &Au Service du Vin& est en phase de bouclage. 60 pages désormais afin d’offrir une publication plus régulière, tous les 2 mois. Cela représente un très lourd travail, surtout p…
https://www.sommelier-vins.com/2011/06/au-service-du-vin-no-5-le-sommaire
Cours oenologie a domicile
« La vigne traduit la minéralité des sols, mais cette signature dépend du travail et des soins qu’on apporte aux sols »… Oui, c’est le sol qui nourrit la végétation donc il ne faut pas les agresser avec les produits chimiques. Très bonne initiative de se mettre au bio.. Labourer est une vraie richesse.
Fab le Bouffinet
Bravo pour cette trouvaille en muscadet. A noter que nous pouvons trouver des vins blancs incroyables en muscadet, je connais pour ma part Mr Lieubeau pour mon admiratio sur sa cuvée Château Thebaut. voir aussi ce petit vigneron du domaine du haut planty avec le vieilles vignes clos de la fontaine. Nous sommes donc la sur du « super muscadet « ….
Emmanuel Delmas
Je ne sais pas si on peut appeler cela une trouvaille mais en tout cas les vins de ce domaine sont juste formidables…,-)
Jean Luc D
Je confirme, Landron c’est très bon!