Gérard Dorsaz est un vigneron méconnu en France, mais qui devient incontournable en Suisse. À Fully, rencontre dans son domaine
Gérard Dorsaz, pour les plus fidèles et anciens du Blog, vous le connaissez peut-être déjà un petit peu. En effet, j’avais mis en lumière un de ses vins sur l’ensemble que j’avais dégusté en sa compagnie voilà bien des années, à la maison. Pour mémoire voici le petit lien. Pour les autres, sachez juste qu’il y a 10 ans bientôt, Gérard Dorsaz était venu me rendre visite pour une soirée mémorable. À l’époque je faisais la sélection pour un petit site de vente de vins en ligne.
Domaine Gérard Dorsaz (site)
Caveau: 39 rue du bourg
1920 Martigny, Valais
Suisse
Nous avions passé une superbe soirée avec Gérard et Matthieu pour qui je faisais la sélection des vins à l’époque. J’avais une petite connaissance toutefois des vins Suisses depuis mon passage à l’Hôtel Rosalp à Verbier en 1998/1999, lors de cette belle saison d’hiver. Retour rapide ici
GERARD DORSAZ : INCONTOURNABLE DANS LE VALAIS
J’ai ainsi pu dans ce restaurant étoilé à l’époque appréhender de près les vins de Suisse et particulièrement ceux du Valais.
J’avais apprécié les vins de Gérard Dorsaz il y a donc dix ans lors de notre dégustation, et nous avions eu des échanges très instructifs. Nous avions toujours gardé le contact, et lors de ses passages à Paris, nous essayions toujours de passer un peu de temps, et je regoutais ses vins.
Récemment, ce fut au Petit Sommelier de Paris, que vous connaissez déjà. Pierre Vila Palleja a référencé certains de ses vins. C’est donc tout naturellement que je décidais l’été dernier de venir rencontrer Gérard Dorsaz chez lui, tout en profitant de quelques jours pour randonner sur le Tour des Muverans.
Malheureusement, après 3 journées, nous décidions avec mon papa d’abandonner, car le parcours restait exigeant pour lui. Rien de grave, car Gérard nous a permis de parfaitement rebondir. Nous nous sommes installés dans son chalet quelques jours, et en avions profiter pour partir à la rencontre de ce fantastique terroir tout autour de Fully.
Les vins de Gérard Dorsaz, déjà bons en 2011 quand je les avais dégusté ont diablement progressé, en offrant davantage d’énergie, de profondeur et surtout d’éclat. Ses vins dégustés récemment m’ont complètement enthousiasmé. Quelle belle progression, étape après étape…À force de volonté, de remises questions parfois…et d’humilité surtout.
C’est sur l’étincelant terroir de Fully que les vignes de Gérard Dorsaz poussent. C’est avec le millésime 1998 que notre vigneron décide de se lancer. Avec quelques hectares de vignes. Et en 2000, Gérard Dorsaz reprend la totalité du domaine, soit 15 hectares.
Le grand terroir de Fully, en Valais ©Emmanuel Delmas
LE TERROIR DE FULLY VU PAR GÉRARD DORSAZ
Le vignoble de Fully a ceci de particulier qu’il respire le chaud et le froid. Je suis un ardent défenseur de ce type de terroirs, dans la mesure où la chaleur seule ne peut donner de grands terroirs. Le froid est essentiel, nécessaire à la chaleur. Ainsi, le climat Valaisan de type méditerranéen trouve à Fully des sols granitiques, acides, donc, même si par endroits des zones calcaires y reposent. La morphologie de ce terroir consiste à alterner entre les vallons et des crêtes.
Le vignoble ainsi profite à plein de fantastiques terrasses. Les murs formés par le vignoble, et les immenses pans de pierre que constituent les montagnes offrent certes une protection, mais ils permettent surtout de redistribuer de la chaleur accumulée de la journée, une fois la nuit tombée. L’altitude joue un rôle essentiel de régulateur, quand on sait que tous les 100 mètres, on y perd 0,6°…
La végétation, joue elle aussi un rôle auprès de vignerons consciencieux, et il est intéressant de constater la grande diversité de la flore dans ce coin, allant de la gentiane, du lys, de la pulsatille ou encore l’oeillet, l’anémone…quand les arbres et les herbes offrent toute leur diversité et leurs odeurs. Plus loin sur le Mont Valère pousse même des cactus.
Tout cela démontre à quel point le(s) micro-climat(s) de Fully, et du Valais sont évidents, en y ajoutant l’influence du fleuve Rhône, du lac, mais aussi du Foehn, ce vent chaud qui aime à souffler dans ce coin décidément à part. Le chaud et le froid, le feu et la glace…
Si les vignes de Gérard Dorsaz s’établissent à Fully, en majorité, tout comme son chai et son domicile, notre vigneron a son caveau de dégustation à Martigny-bourg non loin de là. C’est là qu’il aime à recevoir ses clients, et ses amis pour allier plaisir et dégustation.
LE TRAVAIL DES VIGNES CHEZ GERARD DORSAZ
C’est dans le pur respect de son terroir et de ses vignes qu’oeuvre Gérard Dorsaz. Son idée étant de permettre une meilleure transmission de la richesse du lieu à ses vins. Soins culturaux respectueux et responsables, rendements contenus, et observation du vivant régissent la conduite de la vigne. Même si le domaine n’est pas certifié en culture biologique, Gérard ne tourne nullement le dos aux bonnes pratiques. Et cela s’en ressent dans ses vins, d’ailleurs, mais on en reparlera un peu plus loin.
LES ÉLEVAGES
Les élevages sont là aussi tout doux, car un tel terroir mérite d’être juste accompagné avec grand tact. Le climat chaud, et ensoleillé de Fully, ses promontoires, et son sol granitique acide souffle certes bien le chaud et le froid, mais attention, avec Gérard, tout est méticuleux, afin de révéler des vins les plus ‘justes’ possibles, dans l’identité de ce lieu, à nul autre pareil.
Quelques tonneaux cependant font oeuvre de réajustement sur certaines cuvées, mais leur touche n’est jamais appuyée.
LA DÉGUSTATION IN SITU
AOC VALAIS
Gamay Vieilles Vignes 2018
Parcelle ‘Chataignes’, vignes de 50 ans. Sol granitique, gneiss.
Nez fringant, frais, fruité pur, peau de raisin. Fond de nez de noyau.
Bouche charnue de prime abord, puis le profil se révèle plus droit, étiré, grâce à une belle trame acide soulignée par de beaux tanins. L’ensemble, présente certes une belle ossature, cependant la longueur et la persistance font de ce vin une parfaite entrée en la matière, en terme d’équilibre.
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Pinot Noir Vieilles Vignes 2018
4 mois d’élevage en fûts, 15% grappes entières, vignes exposées sur coteau sud.
Nez floral, aérien, fruits rouges, fond de nez baies, finement végétal (noble). Bouche pleine, droite en son centre là encore, vin qui campe bien dans sa position, ancré, terrien. Finale fraiche, tanins présents mais soyeux, fins amers en persistance.
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« Le pinot noir depuis que j’ai changé ma manière de pratiquer, me semble vraiment plus complet dans ses expressions. La grappe entière me semble une évidence afin de lui donner davantage de force. »
Syrah ‘les Claives’ 2017
12 mois de barriques, 20% grappes entières
Nez floral, violette et rose, épices douces en fond de nez. Bouche droite, tonique à la texture crémeuse, milieu floral, fruité et épices en finale, soulevés par des tanins fins. Persistance salivante, dans le sillage du début de bouche, tonique.
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Syrah de Fully 2018
15% erafflé, 4 mois de barriques.
Nez floral (violette), fruité strict, épices en fond de nez. Bouche pleine, puis juteuse en son centre, fruit à noyau. Finale pleine d’énergie, tanins fins appuyant son caractère affirmé, tout en préservant sa fraîcheur.
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Cornalin de Fully 2018
4 mois de fûts
1er nez subtil, porté sur le fruit noir de prime abord, les épices à l’aération, fruits à noyau en fond de nez. Bouche crémeuse, bien centrée là encore, hésitant entre le fruit noir et les épices, relayée par une finale chaude, marquée par des tanins appuyés à ce stade, mais de toute beauté. Les fins amers et l’acidité salivante bien que sous-jacente, appuient le caractère affirmé de ce vin, en lui offrant pourtant un bel éclat. Très prometteur, même si il semble encore à ce stade un poil bousculé en rapport à cette touche finale encore un peu alcooleuse.
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Humagne rouge 2017
12 mois de barriques, de deux à trois vins.
Nez fruité noir, noyau, fond de nez de rose. Bouche crémeuse, gourmande dans sa texture, florale en son centre (violette). La finale révèle une belle énergie, entre des tanins fins, de beaux amers là encore, et une fraîcheur de toute beauté.
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Syrah 2005 barrique
Crème de cassis, fruité exaltant, patiné, rose fanée, violette, fumé en fond de nez. Prune chaude. Bouche ample, richement dotée, dévoilant une patine évidente mêlant le fruit cuit (prune chaude, pruneau), et le fumé de l’élevage. Les tanins sont fins, la finale fraiche, encore à ce stade.
Un style qui semble porter une signature un peu différente des vins actuels, mais qui collaient bien au style de l’époque.
La syrah chez Gérard Dorsaz a beaucoup évolué, dans le bon sens depuis 2010. Gérard a souhaité en révéler toutes les facettes en privilégiant la vendange entière sur une partie de sa récolte. Et cela fonctionne bien, avec une meilleure définition, tant aromatique que gustative.
VINS BLANCS DE GÉRARD DORSAZ
Fendant 1998
Malo-lactique faite
Fringant, frais, oscillant entre la rhubarbe et la mirabelle, floral et bien patiné, ce vin révèle une touche d’épices douces.
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Fendant 2018
Frais, fruité blanc, pamplemousse. Bouche juteuse et tonique oscillant entre agrumes et touche saline. Finale tonique, salivante à souhait, quelle fringance!
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Johannisberg 2017
Pas de malo – Sol calcaire
Nez frais, floral, plus précis sur la rose en fond de nez. Bouche droite, franche, revigorante. Les fins amers apportent davantage de relief en finale, pointe d’alcool nette en persistance indiquant un vin pas tout à fait centré, à ce stade. Laissons lui un peu de temps.
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Le cépage Petite Arvine chez Gérard Dorsaz profite de différents élevages selon la cuvée. Ainsi, pour la cuvée dite classique, la malo-lactique comme toutes les autres n’est pas recherchée, afin de préserver la fraîcheur. Le passage en cuve sur cette cuvée est de 6 mois, 11 mois pour la cuvée ‘ma petite arvine’, alors que ‘Le Chataignier’ profitera d’un passage en fût de 3 mois et de deux mois en fûts de chataignier. Puis d’une mise en masse en cuve de 18 mois afin d’offrir aa vin le temps nécessaire afin de se recentrer. Il est important de noter que Gérard réalise deux mises en bouteilles pour chaque cuvée.
Petite Arvine de Fully 2016
Élevage de 6 mois en cuve, pas de malo-lactique. Parcelles de vignes de 15 à 45 ans sur terrasses de gneiss de Fully.
Nez fin, aérien, floral puis fruits jaunes. Fond de nez miellé. Bouche pleine, au milieu de fruits jaunes (abricot), puis floral. La finale se révèle fraîche, tout en signant de très beaux amers. L’ensemble reste énergique, persistance oscillant entre la rhubarbe, la mirabelle. Sapide, nerveux, complexe.
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La Petite Arvine offre une dimension remarquable au terroir de Fully. Ce cépage est ancré totalement dans ce lieu soufflant le chaud et le froid, et profite de cette force, cette puissance, et cette profondeur propre à cet environnement plus que remarquable. Le gras, répond à la tension, l’élégance à la puissance, les amers aux acidités. À l’image des notes de pomelo qui se patinent avec le temps pour évoluer vers des zestes d’agrumes confits, ou de rhubarbe…
Petite Arvine de Fully 2018
2 à 3 tris pendant les vendanges afin d’atteindre une parfaite maturité.
Nez orianté sur le fruit frais, peau de pomelo, floral, infusion de tilleul. Fond de nez finement végétal (menthol).
Bouche droite, subtile aux tons aériens. Malgré une jolie chair, le profil se trouve davantage longiligne, prolongé par une finale plus retenue, mais son acidité sous-jacente lui promet une garde et un potentiel évidents.
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Ma Petite Arvine 2013
11 mois sur ses lies.
Nez finement évolué, épices douces, floral, bergamote. Puis en fond de nez la fraicheur pointe son bout, rhubarbe, mirabelle.
Bouche pleine, éclatante, riche en tous points, complexe en son milieu, entre chaud et froid. L’acidité prend le dessus dans la longueur, déployant à merveille le vin en longueur. Superbes amers, apportant du relief, acidité salivante, zestée, pour une longueur éblouissante. Regain d’énergie et de sapidité, profond également. Superbe vin!
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Ma Petite Arvine 2012
Nez assez déroutant, hésitant. Bougon, à ce stade, mais non dénué d’intérêt. Il semble traverser une phase pas évidente. Mais le nez reste accessoire, tant la bouche est le juge de paix de toute forme de dégustation.
Bouche crémeuse, mais l’éclat du vin reste présent en son centre et sa finale, accompagné de très beaux amers encore, une fine salinité et l’acidité toute traçante offrent un sursaut de complexité et de relief teintée de fraicheur.
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Ma Petite Arvine 2017
Nez floral, fringant et frais. Végétal noble (menthol), infusion en fond de nez. Bouche crémeuse, de bonne envergure qui dévoile un milieu frais, sur le tilleul, aérien. Là encore de beaux amers offrent une finale pleine de relief, et tiennent en respect une acidité traçante, un poil fougueuse à ce stade. Mais cette dualité amers-acidités est assez remarquable, et offre une poigne évidente à ce vin. Persistance de longue tenue, rappelant la violette. Pointe de chaleur (alcool) qui se fait remarquer en toute fin de bouche, appuyant l’idée que le vin mériterait de s’assagir avec quelques années de garde.
Mais que de belles promesses à tenir et surtout, à offrir pour ce vin!
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QUE VALENT VRAIMENT LES VINS DE GÉRARD DORSAZ?
À la lumière de cette longue dégustation, mais aussi des précédentes, il est évident que les vins de Gérard font désormais partie du Gotha des grands vins suisses. Les progrès sont là encore édifiants, année après année, en douceur mais avec assurance.
Finesse, vitalité, et justesse seraient les maitres-mots que j’utiliserai afin de qualifier les vins de Gérard.
Si la Petite Arvine est le cépage qui définit sans doute le mieux son style, et le potentiel, la profondeur, tout comme son Cornalin et sa syrah en rouge, je suis impressionné par la justesse et l’éclat dont recèle son gamay. Cette porte d’entrée dans l’univers des vins de Gérard Dorsaz me parait fantastique afin d’aborder sa gamme. Osez cette expérience, et vous serez forcément séduit. Le terroir de Fully inonde et éclate à travers cette gamay d’une vitalité étonnante. Commencer donc par ce vin vous permettra de mettre en lumière l’éclat des vins de Gérard.
Avec le Cornalin, la syrah et en blanc la petite arvine, le terroir de Fully explose et dévoile davantage encore son incroyable richesse avec des vins d’une dimension étonnante, dans le sillage du gamay. En tout cas avec Gérard Dorsaz, nous sommes en contact avec un vigneron parfaitement ancré, enraciné dans son terroir, c’est plus qu’indéniable!
Emmanuel Delmas
ALEXANDRE DELETRAZ, SUISSE – Sommelier & Consultant en vins, Paris
Cet été, je devais partir initialement pour une semaine en randonnée en solitaire sur le Tour des Muverans, éventuellement en bivouacs et en refuges. Mon papa a souhaité se joindre à moi. San…
https://www.sommelier-vins.com/alexandre-deletraz-fully-en-suisse
DEGUST’EXPRESS# 96 – Sommelier & Consultant en vins, Paris
Dégust’Express # 96, semaine du 17 Novembre 2010, 2 vins issus du cépage gamay pour le plaisir. Beaujolais nouveau 2010, Domaine de Gimelande Du fruit, quelques épices douces et de nouveau du fruit
Genton Michel
Un vrai vigneron qui en plus sait partager sa passion pour le vin, un sens de l’acceuil et de la convivialité dans le caveau des Ursulines au top. J’oubliais l’essentiel ces vins qui méritent vraiment un détour par le bourg de Martigny ou Fully .
Emmanuel Delmas
Je ne peux qu’acquiescer !!
Tijean
Un bien beau vigneron mais il y en a beaucoup dans le Valais. Et il n’y a pas que le Valais, on trouve de très beaux (bons) vins en Lavaux ou dans la Côte.
Les vins suisses sont peu connus en France, problème de prix peut-être mais il est vrai aussi qu’une grande partie de la production est « absorbée » localement. Outre les vins cités chez M. Dorsaz (prière de ne pas prononcer le z), il y a aussi ces chasselas du pays de Vaud tellement agréables et inconnus en France. Les garanoirs et autres gamaret de la Côte et certains pinots noirs de cépages très anciens élevés dans des parcelles qui méritent le détour. Mais je témoigne qu’un petite Arvine de bonne année c’est vraiment très bon. Une petite remarque peut être, la petite arvine possède une caractéristique particulière, je trouve, qui est une petite touche salée en fin de bouche.
Lynda Lolek
Et le meilleur vigneron du coin!
Olivier Meinrard Grange
En plus le vigneron éleveur est magnifique de modestie et de discrétion
Emmanuel Delmas
Cela fait 10 ans que je le connais maintenant et il a toujours été d’une grande discrétion et modestie, c’est indéniablement des qualités fondatrices chez les grands vignerons.
Norbert Michellod
Une reconnaissance méritée.
Gérard DORSAZ
Merci pour ton très bel article, Emmanuel
Jeanin
Voilà un super vigneron, et humble avec ça !