Lorsque j’ai plongé dans un verre de Grand Corbin Despagne 2007 voilà quelque temps j’avais été saisi par sa fraicheur, et sa minéralité entourées d’un élevage de grande finesse. Je percevais un début de fond. Et étonnament il m’a fait penser dans son style à ce que j’avais ressenti quelques années en arrière avec Château Fonroque. Les prémices d’une aventure, le début d’une belle histoire.
33330 Saint-Emilion
Tél : 0033 (0)5 57 51 08 38
Le hasard ou pas, a décidé que j’avais rendez-vous avec l’équipe Prodégustation au domaine. Et je ne vous cache pas que je m’étais fait une joie de constater par moi-même sur le terrain des impressions ressenties préalablement.
FRANCOIS DESPAGNE, UNE SAINE VOLONTE
François Despagne devant ses vignes choyées.
François Despagne nous accueille grand sourire aux lèvres par ce froid matin de Janvier. La visite des vignes est assez édifiante et nous révèle à quel point ici le travail des sols n’est pas un vain mot. Les vignes reposent sur un sol souple, aéré. Argileux et sableux sur crasse de fer, celui-ci déploie sur 26 hectares les cépages plantés ici. A 70/75% de merlot, 20% de cabernet franc, et 5% de cabernet sauvignon.
Les prestigieux voisins du domaine ne sont autres que Cheval Blanc et Figeac, et Pétrus ne se trouve qu’à 800 mètres. En effet, la propriété se trouve toute proche de Pomerol. François Despagne oeuvre avec humilité au domaine depuis 1996.
DES VIGNES SAINES, AEREES
Des vignes enherbées depuis 1996, bénéficient d’une conduite de la vigne saine, en cours de conversion bio, débutée en 2008.
Tout commence à la vigne. Des vignes mal entretenues ne donneront jamais un beau vin. Et lorsque j’ai posé mon nez et dégusté ce 2007, mon impression ne s’était pas trompée, au même titre que lorsque j’avais fait de même voilà des années avec le Fonroque 2005. Une impression de fond, de vie, de fraicheur. Des vins dynamiques, toniques.
Le parallèle gustatif n’est pas si anodin car le discours de François Despagne fait un peu écho de ceux que j’ai entendu avec Alain Moueix, ce magnifique vigneron propulsant le tout premier « grand cru classé » du Bordelais en culture biodynamique. En écoutant François Despagne, tout en observant ses vignes, il ne peut y avoir d’esbrouffe. Tout est limpide, clair. Le travail aux vignes est réel, et celles-ci font objet d’observation, d’attentions, et surtout bénéficie d’une sincérité sans bornes de la part de toute l’équipe officiant au domaine.
François Despagne, petit à petit a pris des décisions intelligentes. Une étude des sols sur 53 parcelles ont été réalisé, afin de mieux connaitre ses propriétés, essayer de mieux comprendre, les racines, l’eau afin de mieux adapter la conduite des vignes.
Certaines vignes sont agées de 100 ans, d’autres ont 44 ans, et certaines plus jeunes. La taille est désormais dite « à la bordelaise » en guyot simple, les vignes ébourgeonnées et effeuillées. François Despagne estime qu’il faut savoir prendre quelques risques, à court terme, afin d’en prendre moins finalement à moyen et long terme. Son travail est d’offrir aux générations futures, telle une véritable responsabilité, des sols propres, un vignoble sain, empli de vie.
LA CULTURE BIOLOGIQUE COMME CREDO…
Le vignoble est en cours de conversion, et ce depuis 2008. Dès son arrivée, en 1996, le domaine passait en culture raisonnée, François avait besoin d’observer, au fur et à mesure de s’adapter à son terroir. En cela, il a fait planter des haies, a construit des nichoirs pour les oiseaux…bien entendu, aucun insectide ou produits chimiques n’ont droit de cité depuis déjà bien des années.
…ET UNE ORGANISATION REPENSEE
Il ne faut pas négliger le travail et les intelligents investissements du domaine. Dans la mesure où le travail des vignes permet de relever significativement la qualité des jus, encore faut il que l’organisation du domaine dès la réception des vendanges, puis dans les chais suive la logique. Cuves inox thermo-régulées, tables de tri vibrantes, une organisation repensée afin de permettre une meilleure précision dans le travail fut rapidement mise en place.
UN ELEVAGE TOUT EN DOUCEUR
Pressoir vertical traditionnel
Avec un tel travail dans les vignes, il suffit juste d’accompagner en douceur le vin durant son élevage. 27 cuves de tailles différentes sont prêtes à accueillir les jus, selon la parcelle, l’origine du sol, l’âge des vignes, ou encore le cépage lui-même. François Despagne nous explique que le cépage merlot a une fenêtre de tir de maturité plus courte que les cabernets. Environ 4 jours durant lesquels la maturité se révèle parfaite. Contre 10 jours environ pour les cabernets. La date des vendanges est ainsi importante, le but étant d’oeuvrer au moment le plus propice, où la maturité se veut idéale. Notons que le domaine propose 3 vins. Le Château Grand Corbin Despagne, Grand cru classé de Saint-Emilion, le Petit Corbin Despagne (vignes de 10 à 20 ans), et un troisième dont le nom m’a échappé.
Les vendanges se font en cagettes afin d’éviter le tassement des grappes, triées à la vigne dans un premier temps, puis sur une table de tri vibrante sur tapis dans un deuxième temps.
Cuves inox thermo-régulées…
Les élevages restent doux, le but n’étant certainement pas d’extraire, ou de laisser les notes boisées dominer l’ensemble. Le fruit reste magnifique cerclé par de fines touches boisées, en laissant toutefois exprimer des notes fraiches de minéralité. François Despagne diffuse un discours remarquablement cohérent, et nous sentons chez lui une véritable passion, un respect teinté de bon-sens. « Le bois doit magnifier le vin, ne jamais le dominer, trouver une synergie avec le fruit. Le cas échéant le terroir serait effacé, ça je ne le veux certainement pas. » selon François Despagne.
Ainsi, les vins bénéficient d’un élevage allant de 12 à 18 mois dans des fûts de chêne. Neufs pour moitié environ, d’un vin pour 40% et de 2 vins pour le reste.
Et comme par hasard, François entretient des liens forts avec Alain Moueix, du château Fonroque. Je crois qu’il n’y a jamais de hasard finalement…Ce n’est donc pas non plus un hasard si le 2007 de Grand Corbin Despagne m’avait fait penser à Fonroque. Ensemble, François et Alain échangent, et trouvent avec leurs saines convictions bien des passions communes.
DEGUSTATION
IN SITU en compagnie de l’équipe Prodégustation et de François Despagne.
Château Grand Corbin Despagne 2000 Saint Emilion Grand cru
Nez patiné, entre fruits flétris et touche cacaotée. Envolée d’épices, effluve de fourrure puis truffe. Fond de nez mine de crayon.
La bouche signe une trame rectiligne, mais pleine révélant une touche finement boisée aux tanins fondus. La finale s’offre fraiche, légèrement viandée, suivie de tanins un poil appuyés mais de grande finesse. Persistance assez bonne.
***(*)
Un style assez classique pour ce vin, qui ne joue pas la surenchère. Approchant de son apogée, le vin reste confortable.
Château Grand Corbin Despagne 2004, Saint Emilion Grand cru
Début de patine en 1er nez, hésitant entre le fumé, et le fruit. A l’aération, le boisé s’offre confortable, sans lourdeur, entourant le fruit d’un contour cacaoté. Epices en fond de nez.
La bouche se révèle fraiche, et le fruit se devine malgré une sensation finement boisée. Finale élégante soulignée par des tanins soyeux. Bonne persistance, ensemble homogène et raffiné.
****
La dégustation met en lumière le désir de ne pas surcharger le vin par une expression de boisé trop appuyée. La matière étant élégante et droite, on devine aisément une certaine précision. L’élevage semble intelligent, laissant la fraicheur s’exprimer.
Château Grand Corbin Despagne 2007, Saint Emilion Grand cru classé
Nez raffiné et plaisant sur le fruit frais, juteux. Minéralité suggérée, entre notes de beau végétal, puis finement boisées et épices. Fond de nez chocolaté.
La bouche révèle une belle droiture emplie de fraicheur reposant pourtant sur une bonne constitution. La finale fraiche offre une trame de tanins de grande noblesse facilitant une persistance évidente soutenue par une légère rectitude. Précision du fruit, de l’élevage, pour une jolie expression saline.
*****
Avec ce 2007, clairement la dégustation dévoile un début de fond, une minéralité plus clinquante, et un surcroit de salinité en persistance prolongeant ainsi la sapidité et la persistance du vin. Ciselé, et plus aérien le fond et la minéralité se précisent. Une étape vient d’être franchie.Une certaine montée en qualité apparait malgré un millésime que certains osaient déclarer comme « petit ». Malheureusement pour eux, les grands vignerons se déclarent souvent sur ce genre de millésimes. Fonroque 07 est charmeur en diable, « 1901 » de Beauséjour à Montagne, tonique et profond à souhait. Sans oublier le Saint Emilion de Cassini. Des vins précis et respirants, pleins d’énergie.
CONCLUSION
Photo: ©MJ
Avec François Despagne, le château Grand Corbin Despagne connait une progression évidente et constante depuis quelques années. Si le 2007 incontestablement révèle déjà un joli fond, le 2009 tasté récemment offre encore un jus plus vibrant, une meilleure pureté de fruit. Cela est le résultat d’une remarquable remise en questions, d’un vrai travail de fond aux vignes. Surtout, la générosité, la sincérité et le bon sens de François Despagne offrent un solide socle qui fut nécessaire aux progrès réalisés. Avec Alain Moueix et son magnifique Château Fonroque, Château Grand Corbin Despagne prouve que prendre grand soin de son végétal est une obligation à l’expression de vins bien plus vibrants, verticaux, et flamboyants.
Je retiens surtout que son 2007 m’avait grandement surpris par son éclat. Que les millésimes qui suivent sont encore montés d’un cran pour s’approcher de la superbe qualité des vins de son ami du château Fonroque. Certains collègues ont même été le temps de cette visite réconciliés par les vins de Bordeaux. Et cela est une preuve certaine que rien n’est jamais figé, que même à Bordeaux, les vrais vignerons existent, et le mérite n’en est que plus grand. Bravo et continuez comme cela, François.
Emmanuel Delmas
C’est sûr qu’avec Grand Corbin Despagne, « on n’est pas dans la Wine Industry », comme se plaisait à nous le répéter François Despagne lors d’un passage au domaine en 2008.
Souvenir, souvenir… http://www.leblogdolif.com/archive/2008/05/11/fran%C3%A7ois-despagne-%C3%A0-grand-corbin-la-vigne-est-son-jardin.html
Et le 2007 était déjà épatant. GCD est l’un des rares crus bordelais que je continue à suivre d’année en année, également un peu aussi parce que son prix est resté sage et raisonnable.
Salut Olif,
Tu as raison d’insister sur le prix, toujours très raisonnable, au même titre d’ailleurs que celui de Fonroque. Tous 2 à moins de 30€. Chapeau bas!
Je remets ici ton lien, car manifestement il n’est pas cliquable via ton commentaire. Bon 1er Mai à toi et à madame Olif ,-)
http://www.leblogdolif.com/archive/2008/05/11/françois-despagne-à-grand-corbin-la-vigne-est-son-jardin.html
Il représente ma première expérience des vendanges..Merci à vous pour le souvenir…et ce joli portrait
Bel article!
A travers ce texte vous relatez avec précision tout mon esprit de vigneron.
Bravo d’avoir su si bien l’écrire.
J’espère continuer à vous apporter des émotions grâce à mes vins par une recherche permanente de vérité et du reflet de ce que la terre et la nature me transmettent.
Bien à vous.
François Despagne
Merci Mr Despagne pour votre commentaire ! On m’avait souvent dit que els vignerons bordelais savaient remercier les gens, là, vous faites fort en laissant ce gentil mot qui me conforte dans
l’idée de relayer ceux qui me semblent de très bons faiseurs. Passion, humilité, labeur sont une partie des valeurs qui permettent aux vignerons d’aller plus loin. Les remises en questions font
partie des étapes qui construisent un homme, une femme. Et cela transpire dans le vin. Je fus ravi de notre visite. Il ne manquait qu’une petite vidéo, mais ce sera pour une prochaine fois. ,-)
Cordialement,
Emmanuel D
Fonroque n’est pas 1er GCC. Juste Grand Cru Classé.
Je sais bien, Eric ,-) Mais Fonroque est le premier « grand cru classé » en Bordelais à être certifié Culture biodynamique. Après relecture je comprends ton commentaire, il peut y avoir ambiguité.
Alors, j’ai rectifié avec le premier « grand cru classé » certifié en biodynamie. Cela évitera les ambiguités…surtout que je suis bien placé pour connaitre les vins d’Alain Moueix. Tu as eu
raison en tout cas de laisser ce commentaire, ce qui prouve de surcroît que tu as lu l’article en entier. Félicitations Eric.