Dominique Belluard impulse au domaine Belluard en Savoie, des vins épatants d’énergie et de profondeur. Le gringet y règne en maitre.
Quels vins au domaine Belluard ! Il suffit juste de palper ses lèvres au bord d’une simple bouteille de sa cuvée « Les Alpes » pour s’en rendre compte. Il se dégage une énergie inépuisable et une fraîcheur bluffante de ce cépage gringet, qui décidément, mériterait un éclairage à lui tout seul. Mais avec Dominique Belluard encore est il davantage sublimé. Petit éclairage.
283 Impasse des Chenevaz
74130 Ayse
04 50 97 05 63
DOMINIQUE BELLUARD
En 1947, lorsque papa était encore arboriculteur, tout l’exercice consistait à trouver des terres à vignes. Pour cela, Papa Belluard quitte Veyrier afin de s’installer en polyculture, entre vignes et petits fruits. (cassis, framboise), au milieu des arbres fruitiers.Au total, ce sont près de 8 hectares de fruitiers pour à peine 4 hectares de vignes, âgées toutefois de 75 à 80 ans. Petit à petit, les vignes sont abandonnées, la Grande Distribution ne permettant pas de vivre pleinement.
Une grande partie des vignes sont donc arrachées au cours des années 80. Pourtant, Dominique à ce moment-là se rend compte qu’il a un potentiel avec cette propriété en plein coeur d’Ayse. Comme il nous le révélait lors de notre visite l’an dernier:
« j’ai du terroir, une magnifique exposition, et un cépage endémique, le gringet qui ne demande qu’à se libérer… »
C’est alors qu’il rencontre Roger Duvernay qui tient entre autre les caves du Châtelet à Annemasse, grand dégustateur devant l’éternel.
Domaine Belluard, le gringet au coeur
Sortant du Lycée Viti-Oeno de Beaune en 1985, Dominique Belluard reste sur ce qu’il a appris. Il propulse son domaine en culture conventionnelle, tout chimique. Il réalise pourtant assez rapidement qu’il stagne dangereusement, que ses vins n’évoluent pas dans la qualité qu’il souhaiterait. Dans le même temps, il ne le réalise pas totalement puisqu’à l’époque la demande ne réclamait pas du « tout qualitatif ».
En effet, les vins d’Ayse n’avaient pas la réputation de délivrer de beaux jus. Enfermé dans des certitudes qui ne font pas avancer, qu’il doit bien plus aux autres qu’à lui-même, Dominique se rend compte que la course aux rendements est une voie sans issue.
Mais comment créer le déclic ? Quelle voie prendre alors qu’on semble un peu seul ? Ces deux questions hantent Dominique Belluard
Les vignes impeccablement tenues de Dominique Belluard, propulsées pour partie en culture biodynamique.
C’est en 1995, lors d’une conférence chez Michel Chapoutier qu’il rencontre François Bouchet. Et par la même occasion, il entend de cet homme déjà bien connu d’un autre grand vigneron de Savoie Michel Grisard, un discours qui le touche. Et voici sa première rencontre avec l’homme Bouchet mais aussi avec la biodynamie.
La biodynamie au coeur des Belluard
Une vigne tenue admirablement par Dominique Belluard, malgré une déclivité évidente.
Pour autant, même si prend conscience de l’évolution à donner à ses vins, et à ses vignes, Dominique Belluard sait bien que Rome ne s’est pas fait en un jour. Petit à petit mais très sûrement, il épouse les contours d’une viticulture saine, bien que complexe, il pioche ci et là des préceptes qui lui semblent les meilleurs au regard de sa vigne, son exposition et les conditions climatiques dont il bénéficie.
Ce ne sont pas moins de 5 années de remises en questions nécessaires, afin que notre vigneron revienne totalement à la source. François Bouchet n’est pas du genre loufoque ou même ésotérique tels que certains imaginent les « biodynamistes ».
C’est un pur cartésien.
En 1999-2000, c’est avec Pierre Masson que Dominique avance, et adopte les visions de la culture biodynamique. Le grand saut se concrétise en 2000 !
DOMINIQUE BELLUARD, LE COURAGE ET L’ABNEGATION D’UN HOMME
Un travail forcément harassant aux vignes à Ayze.
Il faut se rendre compte à quel point le travail des vignes en Savoie est compliqué et tout particulièrement à Ayse. Mais tout spécialement chez Dominique Belluard. Il faut être allé sur place pour comprendre l’incroyable mérite qui en revient à Dominique de travailler comme il le fait au quotidien.
Il faut avoir dégusté ses vins pour prendre plus que du plaisir, pour réaliser que propulser de tels vins est synonyme d’acharnement et de très haute performance.
Il faut l’avoir rencontré pour se rendre compte à quel point il est un homme de valeur et de grande sensibilité.
Il faut avoir dégusté en sa compagnie pour comprendre à quel point il est aussi perfectionniste qu’il est en tous points passionné.
Enfin, il faut être monté, avoir marché sur ses terres, avoir vu ses vignes, et la déclivité de ses parcelles, notamment « le Feu » pour définitivement comprendre à quel point les vins du domaine Belluard sont le résultat d’une abnégation, d’une passion, d’une ardeur rare au travail.
Et tous les vignerons qui se sont rendus sur place vous diront tous la même chose:
« Il est fou Dominique ! Quel mérite, bravo et respect ».
« RESPECT DOMINIQUE ! »
Oui, respect à cet homme vigneron qui n’a d’autre choix que de labourer au treuil sur des dénivelés fortement abrupts, de supporter une charge de travail immense aux vignes, de porter des charges à longueur de journée. Si Dominique Belluard n’est certainement pas de ceux qui prennent un malin plaisir à se plaindre ou même à se mettre en avant, il est de ceux qui apprécient de rendre compte. Ne pas se mentir à soi-même ni même aux autres. A le regarder, à l’admirer plutôt il est aisé d’imaginer que le travail le marque, que la charge lui pèse, malgré son aspect très longiligne. Mais au fond de lui, il préserve et emmagasine une énergie insoupçonnable. Oui, Dominique Belluard malgré sa fougue, sa passion et son énorme courage est marqué, fatigué…mais il tient, et tiendra jusqu’au bout.
« IL FALLAIT PRESERVER LE CEPAGE GRINGET » Dominique Belluard
Une parcelle fortement pentue, « le feu », cépage gringet.
N’oublions pas non plus que ce cépage gringet unique et endémique ne pousse que sur ce village et nulle part ailleurs. Pourtant l’histoire de ce terroir d’Ayse reste ancré dans le temps, plus loin qu’imaginable, puisque dès le 11è siècle, il y avait ici même des vignes dont une centaine d’hectares de cépage gringet.
« Mais les guerres, les exodes ruraux, puis enfin le tourisme ont assassiné la terre », Il fallait préserver le peu de pieds de vignes de gringet qui restait. »
Malgré les coûts de production, de la main d’oeuvre, surtout en culture biodynamique, maintenir les surfaces réclame un travail non pas énorme mais juste colossal. Sans compter les investissements financiers.
Aujourd’hui ce sont 20 hectares de gringet disséminés dans le coin, dont 11 hectares pour le seul domaine Belluard qui a su lui rendre toutes ses lettres de noblesse. Mais le principal problème pour Dominique reste la folle hausse du foncier. Il est forcément devenu compliqué d’acquérir quelques terres.
Ses vignes sont protégées du vent du nord par le Maule. Les traitements se font en grande majorité en culture biodynamique et donc au pulvérisateur au dos. Pas moins de 3 hectares désormais. Et vu les dénivelés cela est une haute performance.
DÉGUSTATION AU DOMAINE BELLUARD
In situ en compagnie de Dominique Belluard, et Jean-Philippe Isemann
« Les Alpes » 2008, Vin de Savoie, Domaine Belluard
Cépage gringet, 450 mètres d’altittude, strates argilo-calcaires, sédiments de glacier
Nez fin et minéral porté sur le fumé, l’aubépine, puis la fleur blanche.
Une bouche droite repose sur une jolie matière empreinte de minéralite. Fraicheur aérienne, tendue, enlevée font de ce vin, une petite merveille !
Un très beau vin, d’une grande finesse, dépouillé, minéral…ça, moi, j’aime ! Un vrai coup de coeur.
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« Les grandes Jorasses » 2009,Vin de Savoie, Domaine Belluard
Cépage altesse (Roussette), vignes de 10 ans, 450 mètres d’altitude.
Nez chaleureux mais acidulé, sur le fruit jaune puis la poire. Pomme cuite, amandes à l’ aération, épices douces.Bouche ample et gourmande presque chaude, entre notes de fruit mûrs, (pêche) en finale. La finale s’offre de bonne fraîcheur, bien que retenue.
Un vin qui semble se chercher, ayant le pied entre deux eaux au moment de la dégustation.Peut-être le fait de vignes encore jeunes, en tout cas, ce vin devrait donner sa pleine mesure d’ici quelques années…
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Vin de Savoie « Les Alpes » 2009
Nez chaleureux puis frais sur le fruit jaune, pusi la pomme verte? Pomme cuite puis caramel à l’aération, épices douces. Bouche d’une belle pureté, ample et gourmande de laquelle s’extrait un superbe fruit, pomme fraîche en finale, vive et tonique. Malgré la chaleur du fruit se dégage le cinglant du terroir.
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Vin de Savoie « Le Feu » 2009
1er nez éclatant, et explosif, terre retombant en poussière. Puis pomme et fruit jaune, fleurs blanches en fond de nez. La bouche malgré son amplitude révèle une grande profondeur. Minéralité et fraîcheur ne font qu’une pour révéler une remarquable persistance malgré une certaine retenue. Strict et un poil austère malgré sa puissance, ce vin est un promesse.
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NB: Enormément de vins dégustés in situ, mais mes notes ayant disparu en même temps que mon précédent téléphone…je n’ai pu retrouver que ces 2 vins.
Vin de Savoie « Le Feu » 2011 (dégusté avec Dominique récemment)
Nez vivement fumé, terreux, salin. Le fruité strict laisse place à une touche finement florale. Semblant retenu, le nez épate par son côté tellurique, minéral. La bouche reste dans le sillage du nez, entre amplitude de la matière, et éclat du minéral. Le fruité s’associe en finale à une acidité presque tellurique, ferreuse, épatante. A la fois saillante, elle semble se retenir, en étirant en longueur une notion franchement tellurique puis saline.
En l’état ce vin peut surprendre tant il offre une certaine austérité malgré tous ses apparats. Minéral, profond, retenu, et éclat. Fruité strict, et acidité saillante, salinité et ossature pleine ne demandent qu’à trouver leur parfaite harmonie. Le temps fera son oeuvre, soyez franchement patient. Car vous ne le regretterez pas.
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DOMINIQUE BELLUARD, DES VINS EN MOUVEMENT
Chez Dominique Belluard près de ses oeufs béton, à Ayze.
Déguster un vin de chez Dominique Belluard c’est partir à la rencontre de vins exceptionnels. Exceptionnels parce qu’issus d’un cépage introuvable ailleurs, local et unique, le gringet. Ses cuvées « Les Alpes » et « le Feu » sont le parfait reflet de ce qu’un homme vigneron est capable de révéler à force de travail, de courage et de passion.
De ses vins ressortent une énergie et un fond inépuisables, respirants et profonds, terriens et aériens. Le chaud et le froid, le glaive et la fleur, la puissance et la douceur. Comprendre le terroir, écouter sa vigne afin de la libérer, accompagner calmement les jus dans leur transformation en vin sont des actes toujours remarquables.
Mais quand ceux-ci se réalisent à Ayse, alors oui, je crois pouvoir dire qu’avec Dominique Belluard, nous buvons plus que du très bon vin…nous dégustons une vision admirable et rare du vin.
NB: Et c’est tout naturellement d’ailleurs que dans mon livre « VINS-Leçons de dégustation » je prends en exemple sa cuvée « Les Alpes » afin de révéler une certaine définition de la minéralité. Des vins qu’il vous faudra impérativement déguster au moins une fois dans votre vie.
Emmanuel Delmas
gérard
Bel article Emmanuel. Quel plaisir de retrouver ce vigneron exceptionnel sur lequel nous avions échangé il y a deux années, au moment d’encaver quelques flacons. Jamais déçu depuis, et toujours
cette sensation de vin hors norme au potentiel fabuleux mais qui demande de la patience pour donner sa pleine mesure.
Emmanuel DELMAS
Grand vigneron, nous sommes bien d’accord!
frederic de Nantes
Re,
Le gringet ? ce cépage endémique m’intéresse au plus haut point ! Ou peut trouver ses pinards sur Nantes ? hâte de voir ce vigneron.
Respect pour ton travail !! Belluard est sans doute un vigneron hors norme et tu lui rends bien hommage.
Emmanuel DELMAS
A Nantes, je n’ai aucune idée, mais essaie donc chez 1001 vignes près de Talensac. Peut être en a t’il.
renaud
mieux vaut tard…
il y a quelques cuvées du domaine à la contre étiquette, 1 rue saint Denis.
les amis d’Emmanuel y sont plutôt bien reçus!
Emmanuel Delmas
En effet, ils sont bien reçus !! Indiquons enfin que la cave de Renaud se trouve à Nantes…;-)
frederic de Nantes
Bonjour Emmanuel !
Génial ces pérégrinations savoyardes , l’histoire du Mont Granier me renvoie à mes souvenirs d’étudiant en histoire , j’apprends grâce à toi que cette géologie tourmentée à aussi ses bienfaits .
Que la Savoie recèle un énorme potentiel , j’en suis convaincu , bravo à toi qui bourlingue dans les vignobles , j’aime de + en + ton travail !!
Frédéric de Nantes
Emmanuel DELMAS
Merci Frédéric pour tes bons mots! ,-)
Je repars dans les vignobles bientôt! Chablis mais juste une vidéo de Denis Pommier dont j’ai déjà écrit sur le domaine, et le domaine Vrignaud dont j’apprécie de plus en plus les vins.
En Mars, ce sera un vigneron de Chinon et sans doute 3 sur Saumur 😉 Blancs surtout!
Nicolas Rousset
Des vins vraiment magnifiques!! je suis fan.
Christophe Gremeaux
Ah! l’Ayse sec des Belluard ! Unique ! Surtout avec un Reblochon Paccard !
Jean Baptiste la Petite Cave 13
Bel article, Emmanuel sur un grand vigneron de Savoie avec des cuvée de feu..
Pierre Edouard Builly
Le Feu et la pureté patinée du gringet !
J-C Clément
Oui, des sensations et des vibrations magnifiques!
Emmanuel DELMAS
Vibrant est bien le terme !
Francine
Un vigneron hors normes! Merci pour lui Emmanuel, car comme tu le dis, il le mérite grandement.