Avoine ânesse de 11 ans, ma compagne autour du mont Mezenc
Partir avec un âne c’est prendre le temps de marcher à son rythme, de s’occuper de lui et de soi : et de mieux s’ancrer.
Voici un article exceptionnel car je vais m’écarter un peu du sujet vineux ! Partir avec un âne est-ce vraiment si hors sujet que cela pour moi ? Être sommelier, donc un amoureux de la terre et des vignes, amène à être ou à devenir tout naturellement très proche de la nature. Citadin, il est pour moi essentiel d’épouser certaines valeurs et le besoin de me rapprocher de la nature est sans cesse une évidence.
Partir avec un âne : une aventure formidable
Afin de m’enraciner davantage j’ai décidé de partir seul 6 jours l’an dernier à la Bérarde en Août, au pied de la face Sud de la Meije, majesté des Ecrins entre 1600 et 2800 mètres. Ma tente fut inutilisée car le lieu excessivement minéral (caillouteux) ne permettait pas de la planter. Je me suis donc alité dans un refuge, et faisait des allers et retours, seul dès 7h le matin, pour croiser tout au plus 3 ou 4 personnes chaque jour. Loin de tout la Bérarde, petit hameau fermé 7 mois dans l’année.
RANDONNÉE AVEC UN ÂNE
3 mois après cette aventure, la seule chose qui comptait pour moi était de repartir. Mais où ? Quel est le but ? L’objectif était de traverser un premier seuil psychologique, celui de dormir seul en pleine forêt. Je l’ai déjà fait à 16 ans lorsque j’étais scout, lors de mon raid woodcraft 1ère classe de 24h et une nuit seul dehors dans les Alpes. Mais jeune, la peur ne me semblait pas aussi intense. Ainsi mon objectif était de bivouaquer en pleine nature quelques nuits. Seul. Ou presque.
Je croise régulièrement des ânes, et à chaque fois je m’arrête, je leur parle. Voilà, je décidais de partir avec un âne pour fin Avril début Mai 2018! Je serai moins seul, et ce moyen me semblait le plus approprié afin de mieux m’enraciner dans la nature. Le lieu ? Autour du Mont Mezenc. Ses sucs, sa nature encore préservée, ses sentiers assez uniques…
Autour de Borée, au milieu des sucs et du Mont Mezenc
L’objectif fut de traverser un premier seuil psychologique, celui de bivouaquer seul plusieurs nuits, en pleine nature. M’enraciner et profiter du moment présent. Me couper du temps, des gens, et me créer des souvenirs. Partir seul est le meilleur moyen de rencontrer sa nature profonde, son essence.
Et l’idée d’un âne pour m’accompagner m’est soudainement apparu telle une évidence au détour d’un reportage télévisé. J’envoyais illico un email aux Chick’ânes près du Mezenc, et ce furent plusieurs échanges qui s’enclenchaient. Je me suis renseigné sur mon animal de route, ses réactions, ses habitudes.
UNE RANDONNEE EN SOLITAIRE AVEC UN ANIMAL, ÇA SE PRÉPARE !
Carte IGN 1/25 000 obligatoire, boussole et curvimètre sont des outils essentiels pour les tracés. Combien de jours partir, où, et dans quelles conditions ? Ce qui était clair pour moi était de bivouaquer. Et trouver un lieu n’est pas simple, surtout avec un âne qui réclame au minimum un emplacement de six mètres sur six mètres pour qu’il puisse brouter une grande partie de la nuit. Or, je ne m’étais pas rendu compte de cet aspect dans ma préparation et cela a bien failli être très problématique.
Pour la nourriture j’avais prévu des repas lyophilisés, pas mal d’eau, et quelques menues courses m’ont permis de compléter mes repas. Fruits secs, noix de cajou etc…
Pour le matériel, tente de bivouac de 2kg, mon hamac et la tarp (le tout 1,5kg), sac de couchage, pharmacie, la nourriture…le tout réparti dans 2 sacs étanches pour faciliter la répartition du poids pour l’âne. 30 litres et 40 litres. Cette randonnée était prévue en Mai mais mon opération d’hernie discale début Mai m’a obligé à reporter à mi-Août. Sans âne, il m’aurait été très difficile de porter 10 kilos sur le dos surtout que je boitais encore pas mal. (Je devrai récupérer 100% de ma jambe gauche d’ici 18 mois à priori).
Pause déjeuner pour Avoine
SE RECONNECTER AVEC LA NATURE POUR MIEUX SE RETROUVER SOI-MÊME
En partant avec un animal, une ânesse, je me suis redécouvert, et je suis intimement convaincu que partir seul est le moyen le plus formidable pour cela. Et se reconnecter à la nature une chance, car cela permet de se retrouver, et de se sentir accueilli par une nature grandiose, mais souvent elle peut être impitoyable. C’est pourquoi il faut toujours rester très humble avec elle. À chaque fois que je pars ainsi, tout seul, le matin même, quand je ferme la porte de chez moi, mon sac sur le dos, mes chaussures aux pieds, il y a toujours cette sensation de tension, de pression, et d’appréhension.
Connaître ses tracés et sa carte IGN par coeur est une chose essentielle mais une fois sur place je me rends compte à quel point la réalité est toute autre, bien plus majestueuse, et impressionnante. J’ai surtout appris que ce qui me semblait impossible ou très difficile le premier jour devenait facile à coup de volonté. Et cette leçon de vie est incroyablement fondatrice.
Dormir seul en pleine forêt est une expérience hors du commun. Ma tente de bivouac est parfaite. Prochain objectif, m’ouvrir davantage encore avec la nature via un hamac adapté.
L’ÂNE EST IL SI BUTÉ QUE CELA ?
L’âne touche les gens, à chaque fois que je traversais un petit village les rares personnes que je croisais témoignaient une immense sympathie pour l’animal, s’arrêtaient, demandaient l’autorisation de caresser Avoine. Le capital sympathie vis à vis de cet animal est incroyablement élevé. L’âne est un animal touchant, et d’une grande intelligence. L’idée qu’il soit buté, et têtu est une légende. Durant ces 4 jours, certes, Avoine a eu deux ou trois comportements pas faciles à gérer. Une première fois elle est partie, mais ce fut de ma faute, je l’avais laissé libre, sans sa longe une bonne heure. Lorsque vous offrez à un animal la possibilité de retrouver sa liberté, il ne va pas se priver de l’aubaine.
L’âne est d’une force insoupçonnée et sait parfaitement faire le dos rond quand la situation l’exige. J’ai été impressionné par le calme, la volonté, et la sérénité dont a fait preuve Avoine. Ses peurs du bruit des motos notamment furent effacées rapidement. Elle a su s’y habituer. Je pense l’y avoir aidé car je lui parlais souvent, je la rassurais, et la caressais régulièrement pour l’encourager. Il nait de cette équipe que nous formions, une étonnante complicité. L’âne ne se met jamais en danger, fait le dos rond, et dès qu’une de ses réactions parait disproportionnée, j’ai appris très vite qu’elles résultaient de mes actions, et de mes prises de décision. Ce n’est pas l’âne qui décide de s’énerver, c’est que quelque chose alentour, ou dans mes actions ou décisions lui paraissaient inadaptées à la situation. A chaque fois j’ai rapidement compris que j’avais fait une erreur d’appréciation. Laisser l’âne libre de ses mouvements pendant une heure en pensant que je pouvais lu faire une confiance aveugle était une grave erreur. Pêché d’orgueil à l’évidence.
Cette expérience m’a profondément marqué et m’a permis de comprendre bien des choses sur moi, et Avoine m’a grandement aidé en cela, je ne la remercierai jamais assez pour cela, cette aventure
Si vous souhaitez en savoir plus encore sur cette aventure et davantage de détails sur la préparation, sur ce que j’en ai retiré et plus encore je vous renvoie sur l’article que j’ai rédigé pour Matt sur son blog: Rando-inside
Pour la petite histoire, je me suis souvent rendu sur son blog pour préparer mes randonnées, et j’y ai commenté un article sur le syndrôme du Chaperon rouge, ou la peur de la nuit seul en forêt. En apprenant que je partais avec un âne, Matt m’a encouragé à écrire un compte-rendu à mon retour. Matt est féru de vins, lecteur assidu notamment du blog de Vincent Pousson et fait même son vin. Matt recherche d’ailleurs à acheter quelques ares en Terrasses du Larzac, comme quoi il n’y a pas de hasard dans la vie.
Pour que vous compreniez mieux à quel point un tel voyage fait prodigieusement avancer, je vous partage cette superbe vidéo d’un autre randonneur parti aussi, avec une ânesse de 11 ans:
Les guides pratiques de 60 à 140 pages (clic)
Randonner avec un âne autour du Mézenc – Rando Inside
Aujourd’hui j’ai le plaisir d’inviter Emmanuel Delmas de l’excellent blog http://www.sommelier-vins.com/ qui va nous raconter sa randonnée avec un âne. Un récit touchant, plein d’humilité …
https://rando-inside.com/randonner-avec-un-ane-autour-du-mezenc
MES ANECDOTES – Emmanuel Delmas, Sommelier & Consultant en vins, Paris
Au détour de mes nombreuses expériences professionnelles de sommelier, j’ai vécu quelques moments-clés, anecdotes ou des événements assez marquants. De temps à autre, je mettrai en ligne que…
Une Belle histoire intime Manu. Toujours dans la sincérité, le partage, et la découverte ce sont des qualités que j’apprécie chez toi.
Dans cet article tu t’inscris encore plus profondément dans cet état d’esprit, et il est donc en parfaite adéquation avec tes valeurs.
Merci
Nico
Merci Nicolas pour ton adorable mot ! En effet j’essaie de construire un lien avec mes lecteurs, même si c’est loin d’être facile, surtout vu le nombre qui passe par ici ,-)
Non !
Ce n’est pas hors sujet …
On boit bien des Verres avec des ânes qui connaissent tout du vin …
Alors Partir avec un bel animal comme l’âne , c’est profiter d’une compagnie sincère
Encre Pourpre Communication Viticole Et Générale
Chaque épreuve solitaire, à la recherche de soi nous fait grandir. Cette expérience que tu as choisi de vivre, mûrement réfléchie, sans forcément connaître le bénéfice que tu pourrais en tirer au delà de la beauté des paysages, n’appartient qu’à toi. Mais une chose est certaine, c’est qu’elle modifiera pour toujours ta perception du monde, des autres et rendra bien futile la plupart de nos « tracas » quotidiens.
Chapeau Emmanuel
C’est une très belle aventure qui permet de revenir aux choses essentielles et ce n’est jamais hors ! J’avoue que l’évocation du raid de 1ere classe me parle aussi et le fait de le refaire adulte est effectivement quelques choses qui me titille. Dans tous les cas merci de nous partager ces expériences que cela soit le Mézenc ou la berarde ce sont 2 pays magnifiques
Voici un écho à ton expérience:
https://www.lanevoyageur.fr/
Continue!
Merci Brigitte ! ,-)
Vive l’âne ! Je recommencerai, pour sur.
J’en connais 2 qui l’ont fait, mais ils ne sont pas sommeliers . Ils sont mari et femme ???????? Ils sont partis juste à pieds d’abord, puis avec un ane et un enfant, myis avec un ane, une carriole et plusieurs enfants… Et ont écrit 2 bouquins sur leur aventure geographisue pedestre et…intérieure (sans doure la plus importante des trois).
Géniale, cette progression ,-)
J’ai beaucoup aimé te lire sur cette aventure très solitaire et singulière sans que le vin ne soit acteur. Tes activités professionnelles t’obligent à communiquer avec la passion qui t’habite, là tu nous transmets des émotions sur une aventure humaine sans la rencontre avec des vignerons. Ce que tu nous racontes toujours avec plaisir. On attend une autre histoire après le prochain voyage.
Et pourquoi cette expérience serait elle hors sujet ????
Je pense que l’on peut très bien mener une carrière professionnelle dans un domaine précis et vivre des expériences de vie très éloignées de notre quotidien.
Bien souvent cela se présente à un moment de notre vie où l’introspection, la quête de qui nous sommes, le sens que nous souhaitons donner à cette expérience terrestre, la direction que nous souhaitons prendre, les buts a atteindre … etc tout ce questionnement qui vient nous titiller ????
Bref, pas mal de choses mais surtout rester ouvert à l’inattendu, au champ du possible, être dans l’accueil de ce qui se présente à nous ????
Belle balade ????
L’âne est effectivement un animal sensible et intelligent, aucune comparaison avec l’âne humain !
J’ai bien trop de respect désormais pour les ânes pour traiter quelqu’un d’âne ,-)
C’est effectivement irrespectueux envers les ânes ! Il ressort beaucoup de sérénité, de bien-être finalement de votre texte
Je vous invite alors à lire l’article rédigé pour le site Rando-Inside qui est vraiment axé sur la randonnée et mes ressentis, émotions…
Hors sujet ou pas n’est pas la question. Tu fais ce que tu veux. Qui sommes nous pour te juger? En ce qui me concerne, je me délecte de te lire dans tes pérégrinations. Je ne le ferai pas forcément donc ce n’est que du bonus pour nous tes lecteurs
partir sur les traces de R.L Stevenson est surement un experience tres enrichissante que je ferais surement un jour
Louis Pochon de France inter a repris ce chemin pour en faire une merveilleuse aventure qu’il partageait sur les ondes pour notre bonheur
Merci donc de nous avoir fait partagé cette belle experience
J’étais à environ 80 kilomètres du départ du chemin de Stevenson, mais j’ai préféré m’écarter de peur de croiser trop de personnes, vive le calme et la paix ,-)
On m’a également parlé d’un livre assez formidable ‘sur les chemins noirs’, un peu dans cet esprit de liberté, si fondatrice pour tout un chacun.