Je me permets de remettre en ligne la 1ère partie du Tournant de ma carrière. La deuxième et dernière partie sera en ligne la semaine prochaine. Un rappel me semble donc nécessaire. Eclairage sur un épisode très important de ma carrière de sommelier.
HIVER 1995/1996
En cette année 1995/1996, je fus apprenti-sommelier au restaurant « les Elysées du Vernet » à Paris. Le Lundi j’étais en classe de sommelier à mon lycée d’apprentissage, (Ecole de Paris des Métiers de la Table), le reste de la semaine au restaurant. Année difficile mais très enrichissante, où les Elysées étaient pressentis pour le gain de la 2è étoile Michelin. En cours d’année, après un mois de Décembre 1995 terriblement dur, je craquais…Ce fut peut-être LE tournant de ma carrière.
Mes anecdotes du vin
Ni salarié, ni même etudiant, on oscille entre deux rives quand on est apprenti.Mes potes s’amusaient alors que je me contentais d’apprendre mon futur métier. La restauration est un secteur très difficile, personne n’objectera. Surtout, le mois de Décembre 95 fut littéralement une horreur à vivre pour tout salarié du pays. Durant 3 semaines, ni métro, ni bus, ni transports, le pays fut bloqué. Je vivais encore chez ma mère entre Paris et Issy les Moulineaux. Sans bus ni métro, il me fallait 1 heure 30 à pieds pour me rendre au travail. 30 minutes à vélo quand j’avais réussi à en trouver un. Tout cela couplé aux horaires étendus de la coupure rendait évident un surplus de fatigue.
UNE GRANDE LASSITUDE
Photo d’archive-collector: en 1996, à 21 ans en fin d’année lors du Concours Chapoutier…le 10 Mai 1996.
Mon chef sommelier qui a pour rude tâche de me transmettre les rudiments du métier, se montrait pourtant d’une grande patience, en plus de savoir me mettre à l’aise.Pourtant, après plusieurs mois, et au début de la nouvelle année 1996, je commence à ressentir une certaine lassitude. La pression est lourde, pesante pour mes trop petites épaules. Cette année 1996 débute, et la parution prochaine du Michelin entraine une effervescence soudaine.
Aucune erreur n’est tolérée encore moins pardonnée, et cela est bien compréhensible. Il serait dramatique que mes gestes encore gauches anéantissent le flamboyant travail de tous les salariés si actifs du restaurant.
C’est ainsi que j’eus le desir de tout arrêter…!Oui, oui, comme cela…anéantir tout ce que j’avais entrepris de passion, de courage aussi, et d’apprentissage en 1 coup de tête.
PARTIR…POUR PROGRESSER
Ce soir là, dont je n’arrive pas à caler une date précise, j’étais O combien décidé à en parler à mon directeur que je craignais tant: Monsieur Moser. Souvenez-vous, je vous parlais de lui ici.
Avant cela, j’eus la décence de prévenir mon chef sommelier, Thierry Pelven. Il eut l’air un peu étonné voire même hébêté. Moi qui passais ma vie dans les livres, à essayer de comprendre les subtilités de la dégustation des vins, moi aussi qui était un peu tête en l’air et gauche…! Comment pouvais-je arrêter en si bon chemin ? Thierry a pris le temps de tenter de me convaincre de ne surtout pas faire cette erreur que j’aurai forcément regretter toute ma vie. Mon Chef-sommelier ne comprenait pas.
LE VIN, MA PASSION
Je lui expliquais que le mois de Décembre fut usant, la pression lourde et légitime dûe à la perspective du gain de la 2è étoile Michelin, les horaires étendus et le travail à la maison, les doutes, une certaine fragilité physique…Un peu breton (du côté de ma maman), j’en ai hérité un vrai caractère de têtu ! Fin du service donc, décidé à déclarer mon départ imminent du restaurant.
Craintif, prenant mon courage à 2 mains, me dirigeant vers lui, non sans avoir avalé un grand bol d’air au préalable, je fonce en sa direction.Je baisse les yeux, les levant juste pour lui dire que j’avais à lui parler…il m’ envoya paître gentiment en me demandant de revenir le voir un peu plus tard dans la soirée.
Cela ne fut que partie remise…car croyez le, j’étais bien décidé à partir! Après Monsieur Moser, j’avais prévu de saluer le chef qui m’appelait « Tarzan » à chaque fois que je passais en courant. Alain Solivérès, c’est un sacré chef. Je l’aimais beaucoup.
La suite au prochain épisode…
Anecdote #1: Ma grande honte !
Anecdote #2: Un grand professionnel
Emmanuel Delmas
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Strauch Georges-Antoine
Je pense que je vais le faire lire à mes filles, mon fils et mon filleul afghan SAMI NOURI qui traverse une période de doutes après l’emballement des médias et à sa sœur… bref un beau témoignage de la valeur de l’effort et du travail
Merci Emmanuel
Emmanuel Delmas
C’est bien pour cela que je n’hésite pas à partager ce que j’ai pu vivre ,-)
La suite, bientôt!
laurent2loraine
« Eh déconne pas Manu
C´t´à moi qu´tu fais d´la peine
Une bouteille de perdue
C´est dix copains qui r´viennent »
Lolo
Emmanuel DELMAS
😉
Benjamin
On ne s’attend pas à trouver ce genre de texte sur le blog d’un sommelier. Enfin, je ne crois pas. En réalité, le but est atteint : se sentir plus proches en tant qu’humain. On vous sens épanoui
avec ce blog. Merci pour ces moments de détente.
Emmanuel DELMAS
Bonjour,
J’estime qu’un blog doit avant tout être écrit avec le coeur et les tripes, sincérité et honnêteté et avant toute chose, indépendance absolue. Seules ces valeurs permettent de tenir plus de 7
ans…sur un rythme soutenu. Alors oui, il faut aussi s’offrir de temps en temps 😉
Merci pour votre message!
Emmanuel
laurentg
Qu’est devenu del Burgo (il était à Carcassonne, à une époque, non ?)
Emmanuel DELMAS
Ecoute Laurent, il est toujours à Carcassonne et vient d’ailleurs d’ouvrir son restaurant le 111;
http://www.midilibre.fr/2012/04/08/del-burgo-pose-ses-valises-aux-pianos-du-111,483476.php
pg
Bon sang, quelle maigritude !
Emmanuel DELMAS
Je sais, c’était affreux ! Pourtant je mangeais ! A 25 ans, j’avais décidé de me forcer à manger plus et inscrit à une salle de musculation en Angleterre. 4 à 5 000 calories/jour et entrainements
quotidiens m’ont donné 12 kilos de plus ! Va falloirque je songe désormais à refaire le même travail…mais inverse ! ,-)
Jilian Duserf
Merci pour cette rubrique que je trouve vraiment sympa et qui vous rend proche des gens, encore plus!
Emmanuel DELMAS
Merci pour ce petit mot ! Rester accessible est essentiel, tout en restant sincère et surtout précis concernant l’approche du vin…;-)
jean-pierre
Cher Emmanuel,
Ce que tu décris n’est pas un tournant ; c’est le parcours d’un jeune qui en veut ! d’un jeune conscient qu’un métier, çà s’apprend, conscient que la vie est faite de choix, de risques, de
rencontres et parfois d’opportunités..mais toujours de travail, d’humilité et encore de travail ! je ne te souhaite que de continuer !
Emmanuel DELMAS
Merci, merci JP! Mais tu comprendras sans doute mieux pourquoi en lisant la seconde partie…dasn quelques semaines.
Bertrand F
C’est vrai que Moser avait un côté droit dans ses bottes, quant à Solivares, je préfère me taire question relations humaines.
Emmanuel DELMAS
En cuisine, clairement, il etait dur ! Mais quand il tapait une gueulante en cuisine sur un cuisinier, a chaque fin de service, il venait lui parler, et lui expliquer ce qu’il lui reprochait. Pas
un mechant, en tout cas. J’ai eu l’occasion de le revoir regulierement. Moi mon chef chouchou c’est Michel Del Burgo ! ,-)
Mouette
Le suspens au tournant!
Ohaion
En effet, vous avez drôlement changé par rapport à votre photo de 96…! Le vin a du bon !