En ce lundi matin, direction la Porte de Versailles afin de participer au concours Amphore, cher à Pierre Guigui, lors du Salon Naturally. Les deux dernières années j’y avais participé déjà. Il s’agissait en l’occurence de la seizième édition cette année.Petit éclairage sous la forme d’un retour d’expérience.
Site du concours Amphore
CONCOURS AMPHORE ?
Pierre Guigui est le coordonateur des vins du magazine et guide Gault & Millau. Les personnes le connaissant savent à quel point Pierre est attaché aux valeurs humaines, proche des gens, et sensible aux vignerons très appliqués aux vignes. Sourire facile, lunettes impeccables, et chemise(s) affriolante(s), voilà rapidement dressé un portrait presque immuable de Pierre. Simple, curieux des autres et plein d’humour, Pierre Guigui reste donc très attaché aux saines valeurs. Celles nourrissant l’homme mais aussi les terres propulsées par des vignerons sincères dans leur approche.
Photo prise lors d’un déjeuner avec Marise Sargis et Pierre Guigui voilà quelques mois . (photo ©Delmas)
PIERRE GUIGUI
Il y a déjà près de 20 ans, Pierre Guigui fut déjà sensibilisé par les vins « bios », élaborés à l’époque par de trop rares pionniers. Ceux-ci étaient assimilés à des « fous », des vignerons décalés, parfois même des marginaux, tant l’agriculture conventionnelle écrasait toute vélléité « naturiste ». Notre journaliste vin a mis un point d’honneur à mettre sur le devant de la scène ces vignerons de l’ombre, ceux, courageux de changer de voie. Revenir à une source qu’ils estimaient déjà comme nourricière et fragile. Point d’engrais ou produits chimiques. Mais griffages, binages voire labours réguliers…
Endémiques à l’époque, la culture biologique et biodynamique ainsi que celle en conversion représente désormais 6% de la viticulture en France. Trop peu au goût de Pierre Guigui, qui n’hésite pas, à juste titre à souligner que si la viticulture représente moins de 5% de l’agriculture en France, à elle seule, elle utilise pas moins de 20% des produits phytosanitaires. Si les vins « bios » font désormais partie intégrante du paysage et pour une majorité, sont reconnus comme des vins sincères, et mieux encore comme des vins ayant du fond, et de véritables qualités gustatives, il aura fallu du temps afin de faire évoluer des mentalités souvent étriquées. Et tout reste encore à faire.
Pierre Guigui, Gault Millau (Photo © Delmas)
Pierre Guigui a eu l’idée en 1994 de créer le Concours Amphore récompensant les vins issus de l’agriculture biologique ou biodynamique. Ce qui contribua à valoriser la progression et la qualité intrinsèque des vins « bios » en premier lieu auprès des professionnels mais aussi du grand public. Ainsi, près de 100 dégustateurs professionnels, cavistes, sommeliers, journalistes et même blogueurs (souvent des professionnels du vin d’ailleurs) sont chaque année réunis afin de jouer le rôle sérieux de juré. Allez, pour en citer quelques-uns, des sommeliers imminents tels le ténor Georges Lepré, et Jean Michel Deluc. Tous deux furent chez sommelier au Ritz me semble t’il. Croisé entre autres Christophe Guitard de la Contre-Etiquette et Jean Marc Imberdis tout comme Jean Charles Botte. Kostas, Manuel, Thierry et Lady Jaja et Marise Sargis que je croise régulièrement. Pour les blogueurs vins, une autre miss, Glou Glou et mister Antonin, le Vindicateur, qui deviennent aussi des habitués désormais.
CONCOURS AMPHORE 2012
C’est ainsi que nous nous retrouvions tous en cette fraîche matinée Porte de Versailles au coeur du Salon Naturally pour déguster les vins.Autant dire que le monde du vin étant tout petit, nous étions enchantés de nous retrouver autour de Pierre Guigui et de nombreuses autres personnalités du monde du vin. Serrages de mains, bises, coucous, petits mots et bavardages furent de cette partie.
80 DEGUSTATEURS PROFESSIONNELS
Une vingtaine de tables réunissaient chacune 16 échantillons « enchausettisés » afin de déguster à l’aveugle, pour 4 jurés dont un chef de table désigné par les 3 autres, coopté disons. Je me retrouvais ainsi à la table des vins blancs et rosés du Languedoc. Je n’avais signalé aucune préférence et je me retrouvais ainsi en présence de Bernard Faure que je ne connaissais pas, ancien vigneron du Roussillon, désormais vivant en Bordelais au Clos Ambrion, Vincent le Houézec, caviste au « Copains de Bacchus » dans l’Oise et ami FaceBook. et Jacques Vivet formateur rue de Vaugirard dans son atelier de dégustation que je croise régulièrement. Vincent estimait que j’étais tout indiqué pour être chef de table, les autres ont suivi et voilà, nous pouvions commencé.
4 DEGUSTATEURS ET 16 ECHANTILLONS PAR TABLE
Une partie du jury lors du concours Amphore. (Photo © Marise Sargis)
Une dégustation à l’aveugle dans le but de décerner des médailles doit être éralisée avec sérieux. Et au concours Amphore, c’est le cas. Chaque vin est numéroté, et une liste des vins est fourni indiquant juste le millésime et l’appellation. Il nous suffisait de déguster par millésime et appellation et de faire un point très rapide pour chaque vin après dégustation de l’échantillon. Pas de commentaires durant celle-ci afin de n’influencer personne. Tous les 4/5 vins, un point est fait, et nous retirons les échantillons qui nous ont semblé un peu en dessous, pour ne retenir que nos préférés. Le premier vin blanc fait office de « calage » et nous le regoûtons après le 4è vin. La tablée fut sérieuse, pointilleuse, juste ponctuée par l’humour assez décapent de Jacques…;-)
CONSTAT…
Première constation concernant les vins blancs: Une bonne homogénéité dans la qualité. Des vins tous relativement bien construits, reposant sur des ossatures certes bien galbées, contrecarrées par des acidités souvent affûtées. Si celles-ci ne me semblaient pas toutes à propos, parfois un peu déliées, elles permettaient néanmoins aux vins de gagner en fraîcheur. Nous les avons donc retirés de nos favoris, en privilégiant les plus harmonieux et les quelques vins présentant plus de moelle, de fond. Plus simplement des vins savoureux mais tout en subtilité. Nous avons juste croisé un vin qui semblait hors de propos, littéralement laminé par un élevage outrancier et un cépage qui perdait là toute son expression. Pour grosse moitié des IGP et Vins de pays d’Oc 2010 et 2011. Dans l’ensemble, à l’unanimité de jolies surprises. Pas de grands terroirs manifestement mais les vins que nous avons « médaillés », 3 au total présentaient plus de fond.
Deux Corbières se présentent et chacun dans son style révélait plus de profondeur, des structures pleines et une salinité en finale assez pertinentes. Problème: J’ai préféré sans hésiter avec Jacques Vivet le second alors que Bernard et Vincent avaient opté pour le premier, qui me semblait décousu. Comme quoi les goûts…;-) Dommage pour les vins.
Concernant les 5 rosés, le choix fut de les déguster à la suite, en écartant les vins trop consensuels, manquant de structure et de caractère. Bien que joliment travaillés, ils manquaient d’audace, de courage, de caractère. Seul le dernier sortait du lot, assumant parfaitement le fait qu’il n’était non pas un rosé, mais un vin. Séducteur en diable, il fut le quatrième vin médaillé de notre table. Un vin sur quatre, pour une tablée consciencieuse, efficace qui ne s’est pas perdu en route, ouf! Nous avions terminé parmi les premiers à notre étonnement. Contents d’être là, entre nous, nous échangions, mais…Pierre Guigui nous a vite fait de nous recadrer tout sourire. Ne gênons pas les autres.En tout cas, je fus vraiment très heureux de me retrouver en si bonne compagnie avec des personnes compétentes, sérieuses et ouvertes d’esprit, à l’écoute et qui ont une belle expérience de la dégustation. Un excellent moment passé.
ET DE LA BONNE HUMEUR!
Une fois tout le monde libéré de ses obligations, la dégustation sérieuse laisse place à la dégustation plus décontractée des vins « déchaussétisés », et là, les commentaires fusent, les sourires se font rires, les messes basses deviennent discussions animées, et le buffet en place se vide allègrement.De jolis vins s’offraient à nous autres bien curieux, et chacun y trempait ses lèvres afin de jauger les vins qu’il souhaitait. Les tables s’agrandissaient, et les échanges se créaient, chacun partageant avec l’autre quelques mots, certaines idées, et des points de vue. Tout cela est très enrichissant, et surtout fort plaisant. Tout en restant sérieux, la bonne humeur domine. Chaque année, l’humoriste Marc Jolivet accompagne les dégustateurs qui eux aussi reviennent année après année.
Après le buffet, direction le Salon où comme l’année dernière des vignerons attendaient de faire déguster leurs vins. En toute quiétude. Mais ça, c’est une toute autre histoire que je vous raconterai peut-être prochainement…
Palmarès du Concours Amphore 2012, ici.
Emmanuel Delmas
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Bebert
Merci pour ce compte-rendu et tes impressions. Et heureux de t’avoir rencontré IRL…
Je remarque que la méthodologie employée variait d’une table à l’autre….
Il faut aussi s’interroger sur la grande hétérogénéité d’une table à l’autre, concernant les appréciations… Pour l’anecdote, j’ai fait déguster, à mes collègues de table, un blanc que la table
d’à coté avait affublé d’une médaille d’or. Et ils furent unanimes à considérer que c’était largement usurpé…. Mais
peut-être avons nous été trop sévères… (pas de médaille d’or à notre table, seulement une d’argent et trois de bronze….).
Cela reste malgrè tout une formidable expérience….
Emmanuel DELMAS
Salut Jean marc,
Tu as raison d’appuyer là-dessus. Chacun voit dans le vin ce qu’il arrive à voir ou encore envie de voir. D’autant plus que sur certaines tables, il y avait des dégustateurs avec des sensibilités
bien différentes. Un beau vin, celui méritant d’être primé doit à la fois être bien « construit » et surtout révéler une certaine énergie, du fond, du caractère. Il faut absolument éviter de
tergiverser et surtout de vouloir primer des vins trop souvent consensuels. Je pense juste qu’il faut être entouré de personnes rompues à l’exercice et sachant déguster au delà des « coutures » et
aller au fond des choses, donc du vin…;-)
Patrick Maclart
Tout comme au Concours Mondial de Bruxelles quoi… Sans les vigiles, on a une certaine confiance entre nous, et les vins sont servis par des élèves-sommeliers, la classe en plus !
Honoré de faire partie de ce concours, vraiment…
Maxime
En effet, 20 ans que ce monsieur suit les vins bio moi je dis bravo !
Marie Dominique Bradford
Ce que j’adore sur la dernière photo, ce sont les vigiles, debout tous les 2 mètres pour vous surveiller de près, ils n’ont peut-être pas tort…
Emmanuel DELMAS
En effet, vu ainsi…mais très belle organisation. Ces personnes changeaient nos seaux à chaque passage par exemple. Distribution du pain, des bouteilles d’eau. Rien à redire, un service sans
faille!
Elle d'Ovalie
…surement plus sympa que dans une Cour d’assises !
Marie Dominique Bradford
Bien ton article, Emmanuel. Peux-tu me conjuguer « enchausettiser » à tous les temps de l’indicatif stp ?
Emmanuel DELMAS
😉
Julien Gangand
Il est de ces instants forts difficiles !
Emmanuel DELMAS
Mais concentration nécessaire !