Lorsqu’il m’arrive de pousser un « coup d’humeur », il émane toujours d’une sincérité sans borne. Il n’y a jamais de désir de faire mal pour faire mal, de fustiger pour fustiger, juste révéler le fond de ma pensée. Voilà 2 ans, j’avais sorti ce papier. Et ce que j’écrivais à l’époque me semblait fort justifié. Même si les choses semblent évoluer dans le bon sens, il faudra encore de longues années à Bordeaux pour reconquérir ceux le rejetant. Etre constructif est nécessaire, et une fois encore je me rendais en Bordeaux pour trifouiller, et prendre plaisir auprès de vignerons soucieux.
Certains avaient semble t’il mal interpretés mes écrits, qu’importe, ils reflétaient le fond de ma pensée. Pour autant, je déclairais mon amour pour certains vignerons dont j’aimais leur vision, leurs vins, leur implication. L’idée était donc juste de faire constater que quelque chose ne tournait plus très rond.
Patrick Grisard, vigneron vrai et amoureux à Moulis
Ce n’est évidemment pas en 2 années que les choses changent. Et pourtant, quelque chose semble se passer, telle une prise de conscience. Il est évident que si je me suis permis d’exprimer tout cela, c’est aussi parce que je me lassais de déguster des vins devenus très chers, manquant cruellement d’âme, de personnalité, de sincérité. L’écrire était pour moi nécessaire. Mais taper sur les vignerons dans leur globalité pour les fustiger n’est nullement constructif, si en contrepoint, on ne donne pas d’exemples de vignerons travaillant bien. Et cette liste s’est depuis bien allongée! Certes…
AUX CAVISTES DE RELAYER CES VIGNERONS !
Et bien souvent, je vais chez les cavistes, j’observe leurs sélections, j’écoute. Les cavistes engagés vers la qualité, le choix de vins de vignerons vrais. Bosseurs et sincères. Et bien souvent je constate que si les régions de Loire, Languedoc, Sud-Ouest sont riches, celles de Bourgogne le sont un peu moins, et ne parlons pas de la région bordelaise. Souvent je me vois rétorquer que cette région les ennuie.
-« Vous voyez, en Loire je m’éclate, je trouve aisément des vins juteux, à haute buvabilité etc…mais à Bordeaux je ne trouve que trop peu de ce type de vins, trop boisés, voire putassiers ».
Ce qui confirme bel et bien ce que j’écrivais sur le papier. Fort bien! Me voilà rassuré donc sur la véracité de mes propos. Rassuré, moi, vraiment ? Non! Car quand un caviste me rétorque cela, je ne peux pas ne pas réagir.
Et de lui rétorquer: –« Pardonnez-moi, mais de tels vins existent en Bordeaux. Maintenant, il est vrai qu’il faut fouiner, trifouiller…mais justement, ce travail, c’est le vôtre! Vous le faites pour la Loire, le Beaujolais, le Languedoc voire la Bourgogne, mais pour le Bordeaux, non! Alors, ré-investissez le vignoble bordelais, et vous serez surpris! ». Chacun son boulot, non mais (auquel je pense très largement contribuer avec ce blog, pourtant…) !
Vignes du Château Palmer, comme quoi même chez certains « grands », la prise de conscience est réelle et sincère.
Il y a donc quelque chose qui cloche …! Comment Bordeaux peut-il revenir sur le devant de la scène auprès des cavistes, notamment ? En revenant propspecter ? En se faisant connaitre auprès de relais d’informations ? Je ne sais.
En revanche, je sais que les choses avancent, évoluent dans le bon sens. Qu’on trouve un peu partout, aussi bien en rive droite, en rive gauche, en Sauternes, et ailleurs des vins à la personnalité affirmée. Aimer sincèrement le vin, c’est accepter avant toute chose de se remettre en questions, d’aller chercher là où on émet des doutes, de se laisser surprendre, et surtout de ne jamais avoir d’avis définitifs sur un vin dégusté une seule fois.On ne peut pas être un véritable amoureux du vin sans ces qualités. Etre péremptoire, empli de certitudes et s’enfermer, ce n’est que se limiter. Défendre une chapelle, un dogme, c’est devenir au fil du temps un piètre amateur, un imprécis, ou un révolté avec toutes les limites qu’on lui connait.
Je me suis rebiffé auprès de Bordeaux parait-il ? Soit, certains l’ont pris ainsi, d’autres ont applaudi. Et si je devais le refaire aujourd’hui ? Je n’hésiterai pas. Qu’importe, je ne défends aucune autre chapelle que celle regroupant les vins vrais, libres, sincères, précis, nets, purs, forcément bons, car respectueux d’un environnement sol-climatologie-travail aux vignes. Autant dire que cette chapelle n’existe pas, elle est bien trop élargie.
Adrien Tramier (Château Saint Saturnin, Médoc)…je ne sais si on fait plus sincère.
Pourtant, je vais sur le terrain pour partir à la rencontre de ces vignerons emplis de bon sens, sincères envers eux-mêmes déjà, leurs clients en proposant des vins qui se tiennent, envers enfin leurs aieux. Qu’ils soient producteurs méconnus, ou totalement inconnus, qu’ils soient producteurs de grands châteaux classés, ou même dans une petite île, qu’ils soient adeptes des élevages bois, ou béton, qu’ils soient petits, ou grands, ils suivent tous la même trajectoire, celle de la prise de conscience, du travail, d’un retour à la source. Certains même ne se sont jamais écartés de celle-ci.
Entre mon petit périple l’an dernier à Saint Emilion, et celui de la semaine dernière j’ai voulu mettre mon petit grain de sel en partant à la rencontre de vignerons vrais, sincères. De ceux que les cavistes soucieux d’offrir une sélection de tels vins ne pourront qu’aimer. Car avec ces vignerons, émanent un souffle de vie, d’énergie, nécessaire. Et même à Bordeaux, ils existent. Il suffit de chercher, et d’abandonner sa chapelle si on en défend une.
DE MAGNIFIQUES RENCONTRES, PARMI LES PETITS ET LES PLUS GRANDS
Alors, dans les semaines à venir je vais vous narrer mes rencontres avec Michel Théron du Clos du Jaugueyron en Arsac (Margaux), avec Patrick Grisard à Moulis (Haut-Médoc), ou encore avec Adrien Tramier du Château St Saturnin à Bégadan (Médoc), sans oublier Lionel de Mecquenem (Ile de Margaux). Tout cela n’aurait jamais pu être des rencontres aussi remarquables sans le précieux concours de Christophe Coupez, directeur du Laboratoire Oenologique de Pauillac. Je remercie également au passage Marilyn Johnson, journaliste et photographe de Saint Emilion et de Bordeaux. Mais aussi mes visites chez des « grands » qui finalement eux aussi à leur niveau suivent une trajectoire saine et sincère.Château Grand Corbin Despagne en St Emilion, et Château Palmer à Margaux. Sans oublier le mythique Petrus à Pomerol. C’est avec le concours de la société Prodégustation pour qui je suis formateur, en présence des collègues que cette visite fut rendue possible. Vous comprendrez, pour ceux capables d’écouter et de se remettre en questions à quel point, on peut même à Bordeaux se laisser surprendre.
Emmanuel Delmas
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patrick pouvreau
on est bien loin effectivement de la discution que nous avions eu il ya deux ans sur les vins de bordeaux et je te félicite de ta contrbution à réabiliter les bordeaux.toutefois les choses n
évoluent pas aussi vite dans la profession. Ma derniere mise de 2009 a été jugée non conforme (insufisant/oxidé/caracteres phénolés) par 4/5 juges de quali-bordeaux.Pourtant il me semble que les
commentaires des cavistes et des clients sont plutot flatteurs. A croire que nos institutions veulent nous pousser à consommer les « bons produits » oenologiques mis a notre dispositions. gomme
arabique à outrance (95% des vins de BX), tanins et copeaux de chêne que nos oenologues prescrivent et parfois commercialisent.
Emmanuel DELMAS
Salut Patrick,
Ravi d’avoir de tes nouvelles! Je comprends ce que tu m’écris, car tu n’es pas le seul dans cette situation. Nombre de vignerons comme toi par exemple semble avoir quelques soucis avec les
« instances » qui ne voient pas d’un bon oeil l’émergence et la reconnaissance de vins sincères, et forcément différents de ceux des voisins qui, évidemment n’ont pas la même démarche qualitative.
Adrien Tramier par exemple connait quelques problèmes, tout comme Patrick Grisard, et d’autres encore. Dès lors que tu te mets en « marge » et que tu décides de ne pas dépendre des commerciaux
oenologues, (ils existent), tout est fait pour écoeurer ceux, qui finalement, par leur travail, mettent en évidence les carences des vignerons de masse. Que penser de tout cela ? Je ne sais pas,
ne le vivant pas. Mais l’injustice est partout.
Après, qui sont ces juges ? Savent-ils déguster autre chose que leurs vins tristes, insipides, aux carences évidentes, voire surmarquillés ?
Julien Lassagne
Une remise en question des méthodes d’aggréments a été engagée voilà plusieurs années à Bordeaux. Je la trouve mal adaptée et assez peu axée sur la reconnaissance du travail des vignerons
puisqu’elle a lieu en aval et non en amont de la filière … Même si bon nombre de viticulteurs ont compris que le seul nom de Bordeaux ne faisait plus autant vendre, la dégustations systématique
qui s’opérait avant la réforme me semblait plus appropriée pour assainir la ligne qualitative recherchée … Après quoi, Palmer, Grand corbin Despagne, Petrus … on n’est pas encore sur Petit
Palais ou Rauzan où des GAEC tentent, avec leurs moyens de maintenir une exploitation familiale à flots … mais merci de soulever le problème Emmanuel.
Emmanuel Delmas
Et encore, Bernard, il y en a tant d’autres à faire…!
Bernard Durocher
Bien dit Paco,faut vraiment chercher et avoir le temps.Emmanuel a fait des bonnes adresses.
RODICQ ALAIN
je suis peut-être soit chanceux,soit pas assez difficile,mais je trouve mon bonheur chez plein de petits producteurs bordelais qui signent des vins plus que corrects à des prix angéliques.C’est
vrai qu’il faut se déplacer pour se faire sa petite sélection.
Le bordelais regorge de trés bons »petits » vins qui peuvent satisfaire beaucoup de consommateurs et mérite une bien meilleure image que celle qui est véhiculée dans tous les médias.
Emmanuel DELMAS
Salut Alain,
Le Bordelais regorge de pépites à celles et ceux capables de fouiner! Et oui, je te rejoints, on trouve des prix angéliques pour des vins de qualité loin des « standards » trouvés ci et là dans la
GD. Seulement, il serait temps que les professionnels, qu’ils soient sommeliers, cavistes ou agents fassent le même travail en bordelais qu’ailleurs.
Michel Grisard
Emmanuel,
J’attends avec impatience les coms de ta visite chez Patrick!
Si tu passes à Petrus, fais la visite de gombaude Guillot, en bio depuis 92.
Il n’y en avait pas beaucoup en bio à l’époque.
Emmanuel DELMAS
Salut Michel !
Merci pour ton commentaire. Tu penses bien que nous avons parlé de toi, avec Patrick. J’ai été à Pétrus, c’est vraiment étonnant de se rendre compte à quel point on reste là aussi dans
l’artisanat, malgré les moyens. Finalement, le chai reste tout petit, Jean Claude et Olivier Berrouet sont de grands techniciens, tout en restant hyper simples. C’est étonnant! Quant aux prix,
ils ne sont pas du tout à la hauteur de leur spéculation.
Patrick, ce fut du bonhleur et des émotioons, car sa vie est jalonnée d’épreuves et de drames. Un homme touchant au possible, pour des vins en pleine évolution. C’est bon,beau et sincère. Quant à
Gombaude Guillot, je goute régulièrement les vins depuis des années mais je n’arrive pas toujours à ressentir le plaisir que j’en attends. Mais cela ne m’empêche pas de déguster quand je peux
afin de réviser mon jugement. 😉
A bientôt Michel!
Paco Cave d'Ivry
D’accord avec toi, mais noyés dans la masse des vins médiocres et standardisés ou complètement ignorés derrière les btlles aux prix délirants pas forcément meilleurs ou en tous cas pas justifiés,
contrairement à d’autres régions
Emmanuel Delmas
Je suis bien d’accord avec toi, Paco. Mais il faut avouer que cela bouge déjà depuis un petit moment dans quelques endroits grâce à quelques irréductibles. Il suffit de partir à leur recherche.
Paco Cave d'Ivry
il est temps que le Bordelais frémisse!
Emmanuel Delmas
En effet, Anne ! Merci pour les bons mots.
Anne Quimbre
Un « coup d’humeur » particulièrement intéressant et bien écrit