C’est par un beau matin d’été que je rejoints mon pote Patrick Maclart pour une après-midi de dégustation des 2010 à Montagny. Mais avant cela, visite surprise chez Sylvain Dussort, vigneron émérite et discret en plein coeur de Meursault en cette fraîche matinée.
Site du domaine Sylvain Dussort
12, rue Charles Giraud 21190 MEURSAULT –
France | Tel : +33 (0)3 80 21 27 50
UNE HISTOIRE FAMILIALE
Sylvain Dussort est un murisaltien pur jus. Ses parents et grands parents furent vignerons dans le domaine familial et même tonneliers. Sylvain a donc tout naturellement perpétué la tradition familiale en partant étudier non loin de là la viticulture en Viti-Oeno à Beaune en 1976. Dans ce cadre, notre tout jeune vigneron effectue des stages sur Beaune, entre commercialisation et autres spécialisations.
Une fois obtenu son diplôme c’est tout naturellement qu’il rejoint la propriété familiale en secondant son papa, ce durant 4 à 5 années. Mais très vite Sylvain prend de l’assurance, et apporte une vision un peu régénérante. Et c’est tout autant naturellement que notre vigneron prend les destinées de la propriété en mains. Bien entendu, son papa ne reste jamais bien loin et malgré une totale liberté de manoeuvre, il sait lui apporter quelques conseils. Papa travaillait différemment puisque les vins étaient bien souvent vendus en gros. A l’époque, le prix du dollar (en 1982) rendait le vin excessivement accessible. Le vin profitait d’élevages courts, furent mis en bouteille avant l’été puis étaient commercialisés afin de laisser toute place aux jus des vendanges à venir.
A LA VIGNE
Des vignes parfaitement entretenues, aérées, profitant d’un sol souple
Sylvain Dussort s’organise afin de permettre aux vins de bénéficier de meilleurs soins. La propriété de 6 hectares se partage entre 3 hectares de Bourgogne et 3 hectares de Meursault.
Petit à petit, l’expérience se forge et les remises en questions permanentes chez Sylvain lui permettent d’évoluer, et d’avancer. Un travail aux vignes plus précis, avec très rapidement des traitement plus ajustés, pour devenir vite en culture raisonnée. Pas de produits chimiques, traitements limités au juste nécessaire, suppression d’insecticides et de pesticides aux vignes. Les traitements ne sont plus systématiquement et se calent sur une approche réelle des besoins de la vigne. Ceci dépendant bien évidemment des conditions climatiques évoluant au gré des millésimes. Observation, et « feeling » apportent ainsi une vision plus saine afin de mieux libérer la vigne.
La densité de plantation varie entre 9 000 et 11 000 pieds à l’hectare, les vignes profitant de deux types de taille. Le cordon de Royat et le Guyot simple. L’âge des vignes se situe entre 40 et 50 ans. Il est tout naturel de noter que Sylvain Dussort n’utilise aucune levure exogène, il profite des ferments naturels procurés par la vigne.
LES ELEVAGES
Les élevages sont là aussi parfaitement calés, selon la parcelle, et les conditions climatiques du millésime. Il n’ y a pas chez Sylvain le désir de créer un « process », juste d’accompagner au mieux sa vigne au quotidien afin de mieux la comprendre à force d’observation. Il est donc tout naturel de continuer cette voie-là en offrant des élevages relativement longs, et doux à l’ensemble de ses vins. L’élevage en bois est là aussi tout en finesse, son but étant de révéler des vins plutôt affûtés, vifs reposant sur des matières toutefois bien dotées.
Dès le millésime 2000, les élevages se font plus longs, sur les lies, afin justement d’offrir des vins plus vifs, énergiques. Car Sylvain m’avoue: « A la fin des années 90, les maturités étaient souvent maximales, offrant des vins puissants, boisés. Je n’aimais pas du tout cela, mais telle était la tendance. J’ai eu envie de m’en écarter. »
DEGUSTATION
Une gamme bien maîtrisée, de vins aussi sincères que joliment dessinés.
Un aligoté bien en chair mêlé d’une bonne vivacité, qui donne le ton.
Bourgogne Aligoté 2010
Nez d’aligoté, entre fruits blancs et note d’agrumes. Légère réduction.Bouche riche tenue par une magnifique fraîcheur, touche fumée en finale, bonne persistance.
****(*)
Bourgogne 2009 « Cuvée des Ormes »
Nez d’aubépine, puis de fruits blancs, floral. Bouche pleine et droite, au milieu oscillant entre aubépine et fruits blancs de bonne maturité (poire). Finale fraîche soulignée par de jolis amers. Persistance de verveine.
****
Meursault 2009
Vignes de 15 ans d’âge en moyenne, nouvellement plantées sur le cru « Le Tesson », propriété du village, qu’il a en fermage.
Nez floral (pivoine et violette), de fruits frais puis jaunes après aération. Boisé tout en finesse. La bouche bien que ample, révèle une bonne maturité de fruits, sans jouer la carte de la surmaturité. La finale souligne une acidité présente profitant de beaux amers. La persistance se révèle franchement jolie, avec une légère sensation de rectitude bienvenue. (tellurique).
****(*)
En l’état plus exubérant, marqué par son millésime mais qui reste encore légèrement en retrait. En devenir.
Meursault Vieilles Vignes 2009
Vignes de 50 ans, 10-20 % de fûts neufs, le reste soit plus de 80% de fûts de 1 à 3 vins.
Nez enjoué sur le fruit généreux, puis cailloux, fumé. Aubépine, anisé, floral en fond de nez. Boisé parfaitement intégré.Bouche richement dotée, entre fruits frais et fleurs. La matière se tient bien droite, signalant une finale énergique, à la persistance aérienne et bien dépliée.
*****
Vin aérien et terrien, de belle structure certes empli d’autorité mais fringant.
Un étonnant 2003 préservé de fraîcheur et de chair.
Bourgogne « Cuvée des Ormes » 2003
Magnifique nez d’amandes fraîches, d’aubépine, puis verveine et fleurs fraîches. La bouche, riche reste de belle vivacité, à la finale confortable et une persistance toute de finesse, aux pointes de riz au lait.
****
Vin encore bien étiré malgré sa structure riche, aucune sensation de lourdeur ou même de notes oxydatives. Etonnant de fraîcheur pour ce millésime pourtant solaire.
Meursault 1er cru « Limozin » 2009
Vignes de 25 ans
Nez terrien (cailloux, fumé), puis floral après aération. Fruits jaunes, et zestes d’orange se disputent un nez raffiné. Fond de nez aubépine.
Bouche pleine, enveloppante entre le fruit et les fleurs malgré une légère prise de bois. La finale fraîche révèle une certaine énergie, particulièrement plaisante soulignée par une acidité sous-jacente de belle pertinence. La salinité opère malgré une légère sensation de retenue minérale. Belle persistance.
*****(*)
Vin dense, complet malgré une légère prise de bois, révélant pour le millésime un vin de bel éclat, signé par une finale qui l’est tout autant.
CONCLUSION
En compagnie d’Arnaud Cagni, caviste à Beaune, et de Sylvain Dussort et de Patrick Maclart derrière l’appareil
Ma rencontre avec Sylvain Dussort m’a clairement donné l’envie de revenir le voir dès que l’occasion se représentera. L’homme déjà fait preuve d’une sincère passion pour ses terres, et d’une vraie gentillesse. A l’écoute de ses vignes, il l’est tout autant avec les gens, et n’est pas du genre à se retrancher derrière des sentiments de façade. Un homme vrai, tout comme l’est le vigneron à la lecture de ses vins. Savoir se remettre régulièrement en questions est affaire de bon sens, et aussi de modestie. Et les vins de Sylvain semblent un peu à son image.
Rarement spontanément démonstratifs, ils restent dans une certaine mesure, mais souvent enjoués une fois que l’on prend un peu de temps à s’attarder sur eux. Sapides, toniques, sans pour autant rogner sur la générosité, les vins puisent une certaine force, notamment pour ses vieilles vignes et surtout son cru Limozin. Mais son Bourgogne blanc des Ormes reste un vin éclatant, brillant et plein de bon sens, pour un prix parfaitement ajusté. Très belle rencontre chez un vigneron aussi discret que passionné, qu’il serait dommage de passer à côté. D’autant que ses vins rouges s’offrent eux aussi séduisants et charmeurs en diable.
Situer le domaine Dussort
Emmanuel Delmas
//
Laurent2loraine
La plume en forme: rectitude, tellurique, pointes de riz au lait. Assurément un domaine qui inspire. Quel dommage pour la vidéo (et pour Patrick) ! Nous voilà donc par sa faute privés de toute
vidéo à l’avenir ? Un vrai plus, distinctif par rapport aux articles, pour nous qui suivons vos pélerinages délectatifs depuis nos salons. S’il pouvait nous lire et rendre pour la noble cause ce
qui ne lui appartient pas. En attendant, qu’il aille nourrir les vignes dont parle Patrick, ce satané cul-tellureux !
Emmanuel DELMAS
Oublions-le ce cul-terreux!
Henri Steffens
Article tres interessant! Je viens de recevoir les tarifs pour en commander. Apparemment le « Limozin 2009 » est deja epuise! Dommage.
Quels sont vos commentaires sur les Rouges?
Emmanuel DELMAS
Je me suis surtout intéressant aux vins blancs. J’ai commandé pour un dîner de prestige quelques caisses de Limozin, il n’en restait déjà plus beaucoup…je ne suis donc pas étonné qu’il soit
épuisé. Le 2010 sera fort joli, tenez vous prêt! Les vins rouges sont de belle finesse, assurément.
Patrick MACLART
Excellent article bien torché. Quelques précisions toutefois.
Sylvain excelle dans l’élevage de ses vins. Certes boisés il y a quelques années, il a rectifié le tir afin de laisser expression à ses terroirs. Même à son âge, il n’hésite pas à remettre en
question des process (mot que tu affectionnes !) acquis.
D’autre part, signalons que la parcelle dont est issu la « cuvée des Ormes » provient de l’Ormeau, dont la partie haute est classée en Meursault. On remarquera une fois qu’on est sur le terrain que
ce village a vraiment été strict lors de ses classements de crus dans les années 30. Et c’est une bonne chose. Pour ceux qui connaissent les Perrières, il y a belle lurette que ce climat mérite
d’apposer le titre de grand Cru sur son étiquette, et qu’on pourrait piquer à bien d’autres (sur la montagne de Corton, voire dans la tribu des Montrachet).
Enfin, dernière précision. Nous avions fait une très belle vidéo. Elle était vivante, ludique, amusante. Un goujat qui m’a piqué la caméra lors d’un reportage à Saint-Joseph est poursuivi par ma
malédiction. Sa lignée sera constituée durant 12 générations de goitreux et de pieds-bôts. Qu’on se le dise.
Toujours bienvenue en Burgondie. Franchement, elle est pas belle la vie ?
Gourmandes salutations.
Pat.
Emmanuel DELMAS
Merci Patrick pour tes précieuses précisions ! Elles sont toujours bienvenues. Quant à la vidéo, ce goujât hideux sera puni ! Dommage, car elle était visiblement bien, et permettre au vigneron de
s’exprimer offre une valeur ajoutée, un complément bienvenu à tout article. Un plus d’humanité aussi en des temps où tout semble aller trop vite.
Ne me le dis pas 2 fois, je suis prêt pour revenir vite en Bourgogne! Avec une bouteille qui t’est réservée depuis fort longtemps…
A bientôt!
bref
il à perpétué la tradition familiale et non perpétré
Emmanuel DELMAS
Ah oui, évidemment ! Je corrige ,-))
Merci!
Jean Duvier
Domaine totalement méconnu chez nous au Canada, mais que j’ai dégusté récemment grâce à un ami. J’ai beaucoup aimé. Du coup je lis avec grand intérêt votre article. Merci et il serait bien d’en
avoir chez nous.
Emmanuel DELMAS
Merci pour votre message ! Il serait bien en effet que la SAQ s’intéresse à ce vigneron…bonne semaine à vous!