Sommelier est un métier qui fait rêver les foules. Son attrait ne se dément plus depuis la montée en puissance et la diffusion des concours de sommeliers. Mais réduire son succès à cela, serait trop réducteur. Éclairage sur un métier qui fascine.
Sommelier : un métier qui fait (vraiment) rêver
J’ai épousé ma passion voilà près de 30 ans déjà, quelques années avant de devenir moi-même sommelier. Je suis ainsi très bien placé pour parler de mon métier, afin d’apporter un éclairage précis sur ce qui rend cette passion aussi attirante mais aussi très exigeante.
Mais avant d’aller plus loin, il me semble important de me présenter:
Sommelier à Paris depuis 1995, je suis Emmanuel Delmas
J’ai commencé en 1993 par mes études de cuisine puis de serveur et enfin de sommelier. J’ai obtenu tous mes diplômes et suis devenu sommelier (commis pour être plus juste), après l’obtention de ma Mention Complémentaire Sommelier en 1996. Puis j’ai gravi toutes les échelles hiérarchiques du métier.
J’ai ainsi connu toutes les étapes de la sommellerie:
- apprenti-sommelier en 1995/1996 (Hôtel Vernet, 2* Michelin)
- caviste au Ministère de la Défense en 1996/1997 (Charles Millon) service national
- commis sommelier de début 1997 à fin 1998 (Guy Savoy 2*, et la Tour d’Argent 2*)
- sommelier en 1999 (Rosalp 1* à Verbier, le Gavroche 2* à Londres)
- chef sommelier en 1999/2000 dans le Wiltshire à Pewsey en Angleterre
- sommelier chez Alain Ducasse au Plaza Athénée*** en 2001 & 2002
- sommelier chez Lasserre** en 2003
- sommelier au Fouquet’s Barrière de 2004 à 2010
- Depuis 2005 (en parallèle de mon poste de sommelier au Fouquet’s jusqu’en 2010), sommelier-consultant, formateur et consultant en vins.
Un métier fascinant
Il est un de ces métiers qui fascine tant les gens. Par son allure, son sens de l’esthétisme, la culture du vin et tout ce qui se rapproche de la terre, le sens du service et de l’ouverture aux gens, le sommelier épouse bien des valeurs.
De coeur, naturellement, mais surtout, il est passionné. Parfois à l’extrême, car le vin nous prend au coeur et aux tripes.
Au delà des mots que nous utilisons pour décrire un vin, au-delà des arômes que nous sentons, des saveurs que nous ressentons, c’est cette passion chevillée au corps qui parvient à émouvoir et toucher nos clients.
Le vin, la terre, le restaurant et le sommelier
Le vin se rattache à la terre, aux vignerons, à leur sueur, mais aussi plus globalement à la géographie, aux paysages, à la végétation, aux vents, aux climats, aux reliefs…
Mais aussi à l’histoire, à la culture et bien plus encore.
Au-delà encore, de notre tenue qui nous distingue dans la salle de restaurant, le sommelier joue une partition centrale au sein du restaurant. Toute la difficulté pour le sommelier étant de ne pas la vivre, isolé du reste de l’équipe de salle.
Il est un maillon essentiel du restaurant qui soit aussi apprendre à faire corps avec les chefs de rang, maitres d’hôtel et directeur de salle.
Comment devient-on sommelier?
Pour devenir sommelier, il n’y a pas moult possibilités. Celui-ci officie dans les restaurants. Il suit donc une formation rattachée à une école hôtelière. Afin d’obtenir un des deux diplômes reconnus par l’État:
- Mention Complémentaire Sommelier (après un CAP/BEP Restaurant)
- Brevet Professionnel Sommelier (niveau Bac)
Plusieurs écoles hôtelières proposent une classe d’élèves sommeliers. En continu, avec quelques stages en restaurant et de vendanges, et dans certains vignobles, durant leur cursus de deux ans.
Ou par le biais de l’alternance, deux semaines ou trois semaines en entreprise et une semaine à l’école. Ou comme je l’ai fait, toute la semaine en entreprise, le Lundi à l’école, et le Jeudi après-midi avec l’association des sommeliers de Paris, en dégustation.
Le restaurant et le vignoble sont ses terrains de jeux
Le sommelier exerce son art dans les restaurants. Il se forme exclusivement dans un restaurant, dans le cadre de sa formation, qu’il soit en apprentissage ou en stage. C’est ainsi qu’il va acquérir ses premières expériences, et réflexes sous l’égide d’une équipe de sommellerie.
En parallèle de ce travail et de sa formation, l’échanson (autre nom donné, notamment dans certains pays frontaliers), se rend régulièrement dans les vignobles afin de parfaire ses connaissances.
L’ambassadeur du vignoble
Auprès de vignerons, il va mieux appréhender la relation avec la terre, l’environnement du vin, les paysages et tout ce qui façonne la notion de terroir, ou de lieu.
Le sommelier doit se connecter au vigneron, à la terre, et aux vignobles pour sans cesse se tenir informé des évolutions.
Si le restaurant est le lieu d’exercice de son art, que ses clients lui permettent d’affûter sans cesse ses compétences en matière de conseils, et de choix de vins, il est essentiel de ne jamais se couper du vignoble.
En effet, le sommelier est le véritable ambassadeur des vignerons et du vin auprès de ses clients, et de son établissement.
Sommelier ou sommelier-conseil: une différence de taille
En 2005 j’invente un nouveau concept, celui de sommelier Consultant en vins. De mémoire, seul Olivier Poussier semblait épouser aussi cette casquette. Meilleur Sommelier du Monde 2000, il offrait ses compétences aux clients qui le réclamait.
En ouvrant le Blog en 2005, rapidement j’étais amené à animer des cours de dégustation, sur mes temps de repos.
Ou d’accompagner une petite épicerie fine dans le choix des vins, ou encore de former du personnel de salle de plusieurs restaurants.
J’étais ainsi, en parallèle de mon travail en coupure et à temps plein, au Fouquet’s comme sommelier, devenu aussi consultant en vins.
Grâce au portage salarial, dès 2005.
Ce qui était très novateur.
À partir de 2012, nous avons vu arriver un nouveau type de sommelier:
- le sommelier-conseil
- ou le sommelier-consultant
Ce titre prête à confusion, car il sous-entend qu’il est un sommelier. Mais ce n’est pas le cas.
En effet, le sommelier est reconnu officiellement par l’État comme étant diplômé en Mention Complémentaire Sommelier ou par un Brevet Professionnel Sommelier
Ce qui n’est pas le cas de ce nouveau titre.
Ce titre est obtenu après une brève formation autour du vin, par quelques organismes, certes reconnus d’utilité publique, souvent sérieux et délivrant une formation de qualité.
Malheureusement, les élèves ou apprenants ne viennent pas souvent de la restauration, et souhaitent dans la grande majorité des cas se reconvertir dans le vin.
Une reconversion très difficile dans la restauration après 35 ans
En aucun cas, même après l’obtention de leur diplôme, ils sont en mesure d’intégrer une équipe dédiée au vin, dans un restaurant.
Cette expertise est uniquement habilitée pour les écoles hôtelières.
Les exigences, tant au niveau du service, du conseil et de l’expérience ne sont pas accessibles quand on ne maitrise pas les codes du service en général, et de la restauration en particulier.
Sans compter les grandes amplitudes horaires.
La formation pour l’obtention du diplôme et du titre de sommelier ne sont pas les mêmes que celui du sommelier-conseil.
Je me permets vraiment d’insister là-dessus car je reçois 4 ou 5 fosi par an des appels de personnes adultes souvent agées de plus de 40 ans qui me demandent des conseils pour une reconversion comme sommelier dans un restaurant.
Ma réponse reste invariablement la même:
« Le métier de sommelier est très exigeant, aussi bien physiquement, qu’au niveau de l’amplitude horaire, sans parler des exigences humaines. Il faut en avoir conscience, car après une première vie professionnelle, repartir de zéro, dans un nouveau métier. Il va falloir mettre de côté votre vie de couple, familiale, accepter de travailler le midi et le soir, souvent le week-end. Et ne pas gagner autant sans doute que votre ancien métier »
Un métier gratifiant mais très exigeant
Oui, le métier de sommelier est très exigeant. À bien des niveaux. C’est pourquoi il est important de débuter très jeune, afin d’emmagasiner un maximum de connaissances, de déguster encore et encore, et de se former auprès de sommeliers passionnés.
Les amplitudes horaires, les exigences inhérentes aux restaurants étoilés, mais aussi le savoir-être réclament une attention de tous les instants.
Il faut des années de travail, d’expérience pour devenir un bon sommelier.
Entre les horaires, très élargis, les livraisons des vins, les conseils apportés aux clients pendant les services du midi et du soir, les visites chez les vignerons, et la formation continuelle à réaliser chez soi, il reste peu de temps pour soi.
Et encore moins, pour les autres, ses proches.
Ne pas admettre cela, c’est aussi nier les difficultés relatives aux métiers de la restauration.
Épouser la sommellerie c’est avant toute chose, faire deux avec une évidence: la passion, souvent viscérale pour le vin
Il est là aussi nécessaire de rester (très) vigilant quant à sa consommation.
Une sommellerie plus décomplexée
Naturellement, les grands et prestigieux restaurants étoilés offrent un terrain de jeu privilégié et très recherché, pour les ambassadeurs du vin, et de son service.
Mais depuis une dizaine d’années, le changement est bien visible: la sommellerie se montre plus décomplexée que jamais, en investissant des lieux plus accessibles.
Par exemple:
- un restaurant bistronomique
- un bar à vins
- une cave à manger
À Paris, cette tendance est très forte, et gagne désormais l’ensemble de la France. L’accès aux meilleurs produits de bouche, issus d’artisans pointus et très engagés est désormais beaucoup plus facile qu’il y a 30 ans.
Le restaurant de quartier, le bar à vins ou la cave à manger peut ainsi transformer ces produits de grande qualité de manière plus rapide, avec une grande précision dans les cuissons, la préparation et l’assaisonnement.
En privilégiant l’achat direct, auprès de ces artisans alors inaccessibles, leurs assiettes rivalisent avec les grands restaurants, mais en proposant des tarifs autrement plus abordables.
En parallèle de cette émergence, le vin ‘nature’ a aussi permis des alliances à table, plus faciles, par leur style plus libre, franc, digeste. Moins de tanins, plus de jus, du glouglou qui passe plus facilement sous les assiettes, afin de les laisser s’exprimer en toute quiétude.
Ce dynamisme a permis à une frange de la sommellerie de s’émanciper, en proposant une image plus décomplexée que jamais.
Accessible à celles et ceux qui souhaitent s’affranchir de codes qu’ils estiment trop étriqués et rigides, des grands restaurants.
Le sommelier et les sensations (le film)
Ce documentaire est formidable et retrace à merveille les contours de ce qu’est le métier de sommelier. Sous bien des angles, à travers différents portraits, et en traitant de tous les aspects du métier. Et surtout, il est bien représenté, sous toutes ses formes.
Si le film ne se lance pas de lui-même, je vous invite à cliquer sur le lien.
Combien gagne un sommelier?
Si l’image du sommelier fait parfois rêver, croire qu’il gagne très bien sa vie serait une erreur. Au début de sa carrière, le commis sommelier débute selon la région aux alentours de 1500€ brut jusqu’à 2200€.
Une fois sommelier, il peut prétendre à un salaire de 2200€ brut minimum jusqu’à 3 000€. Son expérience peut lui permettre de gravir les échelons et finir par être chef sommelier.
Là encore les salaires varient selon le restaurant, les responsabilités et son expérience, de 2600€ brut à 4 000€ brut. Et une très large minorité peut gagner davantage, notamment les sommeliers les plus titrés.
Les concours
Les concours contribuent à donner toutes ses lettres de noblesse au métier. Depuis qu’ils sont télévisés, souvent en direct sur internet, FaceBook, ou à travers certaines pages professionnelles, le métier a gagné en visibilité.
Il est redynamisé, et c’est une excellente chose, tant il en avait besoin.
De plus en plus de candidats se confrontent dans les concours, et permettent à chaque édition de relever, année après année, le niveau.
En participant aux concours, le sommelier emmagasine des connaissances, et affûte ses gestes, sa gestuelle . À travers ces concours, et à force d’y participer, il va accroitre ses chance de l’emporter. Et par là même, de gagner en visibilité. Et en notoriété.
Mais attention, la place est très convoitée, l’exigence de plus en plus accrue, et le travail, la préparation très importante.
Charge au sommelier ou à la sommelière de ne pas perdre pied, de rester bien enraciné, pour ne pas perdre de vue, que son travail et son terrain de jeu reste le restaurant qui l’emploie. L’équilibre n’est pas toujours simple à trouver.
Quelles sont les qualités d’un bon sommelier?
La liste serait bien trop longue, mais il y a une qualité, qui domine toutes les autres. Celle qui est la mère de vertus des bons sommeliers:
- La passion
Puis naturellement, suivent:
- La curiosité
- L’empathie
- La psychologie
- Le savoir-être
- L’humilité
- Le sens du service
- Le plaisir de partager
- Un bon gestionnaire
- Fédérateur
- Courageux
- Bon orateur
- Empli de bon sens
Évidemment, j’en ai oublié, cette liste ne peut pas être exhaustive…
Sommelier, un métier de passion
Avec ce très long article, j’ai voulu vous éclairer sur ce que cela représente d’être un sommelier. Ce que cela implique, et comment on y parvient. Il est une évidence: sans passion, il est impossible de devenir un bon sommelier.